Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/719

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

festin du mariage du duc de Savoie et de la bonne Marguerite de France. Le festin n’eut pas lieu et l’on dut se contenter d’une représentation en famille ; mais les strophes légères du poète évoquent à merveille la mise en scène à l’antique qu’il avait réglée, le chant et la danse des jeunes récitantes, le vol de leurs tresses blondoyantes. » Au surplus, il n’y a, dans la maison de Jean Morel, aucun pédantisme. L’on y voit une heureuse famille, bien gaie, bien vivante et qui, avec beaucoup de bonhomie, se plaît aux jeux de l’intelligence que l’Antiquité renaissante éveille.

A la fin de sa vie, Ronsard retourne au collège. Ah ! le bel épisode !... Il se souvient des jours de Coqueret, quand, avec Baïf et sous la conduite avisée de Jean Dorat, jeune et ardent, il parlait pour l’Antiquité attrayante. Le collège de Boncourt était au chevet de l’église Saint-Étienne. Baïf ne demeurait pas loin, sur la contrescarpe de l’enceinte bâtie par Philippe-Auguste, entre les portes Saint-Victor et Saint-Marcel. Le maître de Boncourt était Jean Galland, parfait ami de Ronsard. Et, pendant ses dix dernières années, Ronsard, quand il venait du Vendômois à Paris, descendait à Boncourt ; on l’y accueillait, on l’y retenait longtemps.

Il prenait ses repas avec les élèves et les professeurs ; il leur donnait de bons avis de poésie et de piété. Quand il faisait sa promenade dans le jardin du collège, on l’entourait ; et il était habile à discourir : le jardin ressemblait au jardin d’Académus. Agrippa d’Aubigné raconte qu’il recommandait aux jeunes gens d’aimer le français, beau langage, et de le préserver. Il leur disait : « Mes enfants, défendez votre mère (la langue maternelle) de ceux qui voulent faire servante une damoiselle de bonne maison. Je vous recommande par testament que vous ne laissiez point perdre ses vieux termes... contre des marauds qui ne tiennent pas élégant ce qui n’est point écorché du latin et de l’italien et qui aiment mieux dire collauder, contemner, blasonner que louer, mépriser, blâmer. Toul cela, c’est pour l’écolier limousin ! » Il détestait le pédantisme et la sotte affectation des mondains. Sans doute reconnaissait-il à part lui qu’autrefois il avait mis un peu trop de grec et de latin dans son français, à l’époque où il fallait enrichir la langue. Il la croyait assez riche désormais et ne voulait pas qu’on fît après lui la besogne qu’il avait rendue inutile, et qui avait été la sienne, et qu’il avait accomplie. Lorsque les élèves ou les maîtres lui signalaient un passage obscur d’un vieil auteur, il l’expliquait. Le « bonhomme Ronsard » émerveillait une jeunesse attentive. Elle lui prodiguait les soins et les hommages, veillait à lui alléger le