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décision leur appartient, mais il faut qu’ils se rappellent qu’il est peu vraisemblable que l’occasion de conclure un pareil pacte se présente à nouveau et que son rejet ne saurait manquer d’exercer de déplorables effets sur les relations franco-britanniques et sur l’exécution du Traité de Versailles. » Ainsi une pointe de menace apparaissait sous les appels à l’entente. Nous savons de reste que, dans certains milieux britanniques où le business est roi, on dit ouvertement qu’à défaut d’une entente avec la France que rend difficile son nationalisme intransigeant, — c’est ainsi qu’on s’exprime, — un rapprochement avec l’Allemagne pourrait servir les intérêts du commerce et de l’industrie britanniques.

Mais le pacte nous était offert sous une forme qui le rendait presque illusoire et entouré de conditions qui le rendaient onéreux, M. Briand, dans son discours d’adieu à la Chambre, a déclaré que l’on s’était alarmé sur de faux bruits. Voyons donc les faits et les textes. Les journaux ont publié le 12 le texte de l’ « aide-mémoire «  remis le 4 à M. Briand : c’est le résumé des conversations de Londres. Les deux documents sont inséparables et s’éclairent l’un par l’autre. Il est bon de les étudier de près.

M. Briand, revenant d’Amérique avec l’impression d’un échec et l’étonnement de ne s’être pas senti en communion avec l’opinion des États-Unis, prit la résolution d’aborder directement avec le cabinet britannique la question de l’alliance ; le comte de Saint-Aulaire eut à ce sujet un premier entretien avec lord Curzon. Le Président du Conseil, arrivé à Londres, reprit la conversation.il souhaitait de conclure une alliance défensive. Qui dit alliance dit réciprocité d’engagements, parité d’avantages et d’obligations, dans l’égale dignité des deux parties. Il se heurta à un parti pris obstiné du Foreign Office ; « de telles alliances sont contraires aux traditions britanniques. » De fait, il n’y a guère d’exemple dans l’histoire des deux derniers siècles que l’Angleterre ait conclu une alliance d’égale à égale avec une grande Puissance. Tantôt elle subventionne des « soldats continentaux, » comme au temps des guerres contre Napoléon. Tantôt il s’agit d’une coopération temporaire pour une fin déterminée : ainsi l’entente avec la France pour la guerre de Crimée. Tantôt enfin, sous le nom d’alliance, se cache la réalité d’une sorte de protectorat : telles sont les relations de l’Angleterre et du Portugal depuis le traité de lord Methuen. M. Lloyd George offrit à M. Briand non une alliance, mais un « pacte de sécurité. » Les mots ont, certes, leur importance ; cependant si le « pacte de sécurité « nous apportait