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une garantie efficace, il serait maladroit de nous montrer trop pointilleux. Que nous promet donc le projet de « pacte de sécurité ? »

« Article premier. — Dans le cas d’une agression directe et non provoquée contre le territoire de la France par l’Allemagne, la Grande-Bretagne se rangera immédiatement aux côtés de la France avec ses forces navales, militaires et aériennes. »

Quelle est valeur de cet engagement ? Si, dans quelques années, l’Allemagne se sent assez forte pour nous faire la guerre, elle n’ira pas se jeter sur l’Alsace ou sur les territoires occupés de la Rhénanie ; c’est dans l’Europe orientale ou centrale qu’éclatera le conflit. La guerre naîtra à propos de la Pologne, ou de la Tchécoslovaquie, ou de toute autre façon impossible à prévoir ; elle naîtra indirectement, comme elle est sortie en 1914 de l’attaque de l’ Autriche-Hongrie contre la Serbie. Que fera la France ? Laissera-t-elle détruire sous ses yeux l’ordre de choses et le statut territorial créés par les traités ? Si elle intervient, c’est à ses risques et périls ; l’Angleterre s’en lave les mains : il n’y a pas agression directe. Que si la France se contente, pour intimider l’Allemagne, de mobiliser sur le Rhin sans entrer en campagne, et que l’Allemagne en prenne prétexte pour commencer la guerre, l’Angleterre ne prétendra-t-elle pas que l’attaque a été provoquée ? Sur de tels mots on peut toujours épiloguer. L’attaque indirecte est le seul cas vraisemblable ; l’Allemagne s’arrangera toujours pour ne pas tomber dans le cas prévu par le pacte. Si, au contraire, la France regarde, l’arme au pied, écraser ses amis de l’Europe centrale, elle aura préparé sa propre ruine ; elle connaît, pour l’avoir déjà parcourue, la route qui mène au désastre : du Slesvig à Sadowa, de Sadowa à Sedan. La France ne laissera pas faire. Les projets des militaristes allemands, à qui la défaite n’a rien appris, ne sont pas un secret. Ils veulent reprendre la Haute-Silésie, réannexer Gdansk, rouvrir le couloir entre Berlin et la Prusse orientale. Ils se vantent d’y être encouragés par les Anglais. C’est ici que le désaccord devient tragique. Il règne en Angleterre, à l’égard de la Pologne, les sentiments les moins bienveillants ; elle est une gêneuse, et d’ailleurs, comme elle est incapable de s’organiser et de vivre, à quoi bon s’occuper d’elle ? L’Angleterre a pourtant mis sa signature au bas des traités qui la ressuscitent.

« Participer à des entreprises militaires dans l’Europe centrale et orientale, dit l’aide-mémoire, ne répondrait pas aux intentions du peuple britannique. Une alliance impliquant, ou même paraissant impliquer pareille responsabilité, n’aurait pas l’appui cordial du peuple britannique.