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au patriotisme du Lorrain qu’ils ont mis à la tête de leurs affaires et ils applaudissent ce que disait un journal anglais, le Daily Telegraph, du 14 : « L’ancien Président est pour la France d’abord et toujours. Pour cela les Anglais l’estimeront, car, après tout, c’est le devoir d’un Président ou d’un premier ministre d’être le champion ardent de son propre pays. » Si on escompte, à Berlin, un désaccord persistant et croissant entre Londres et Paris, on fait, une fois de plus, un faux calcul.


Au moment où, après la grande tempête, son pontificat commençait à s’épanouir, une fin prématurée enlève à l’Église catholique Sa Sainteté Benoît XV. Élu le 3 septembre 1914, Giacomo marquis della Chiesa n’a régné que sept ans. Ami de la paix, il a occupé le siège apostolique pendant la plus effroyable des guerres. Religio depopulata : jamais la fameuse prophétie de saint Malachie ne s’est plus tragiquement vérifiée. Jamais le successeur de Pierre n’a vu, autour de sa barque, les grandeurs terrestres s’abîmer dans une catastrophe plus terrible que celle de l’Empire des Tsars, plus complète que celle des Habsbourg. Jamais non plus il n’avait été donné à un pape d’assister à la résurrection de deux nations catholiques, la Pologne et l’Irlande, et de se réjouir parce que deux grandes injustices historiques étaient réparées. Les révolutions rouvraient à l’action du Saint-Siège l’Europe orientale ; Benoît XV tendit, vers les Slaves séparés, sa main paternelle. Pour l’étude des problèmes orientaux il créa une congrégation nouvelle. Vers la consolidation de la paix, vers la justice sociale, vers l’union des Églises, Benoît XV, suivant les traces de Léon XIII, a marqué la voie ; il a semé pour l’avenir ; d’autres récolteront. Lui, du moins, a eu la grande satisfaction, ardemment désirée et patiemment ménagée, de voir restaurée en France la paix religieuse et rétablies les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et sa « fille aînée. » Il avait préparé d’autres réconciliations : auprès de son lit de mort, deux ministres du roi d’Italie, deux « populaires, » officiellement introduits, sont venus s’agenouiller. Le rôle de Benoît XV, pendant la guerre, a été très discuté : mais, de son vivant déjà l’histoire lui a rendu justice. Il meurt pleuré de Rome, regretté de toute la catholicité, honoré de toute l’humanité.


Intérim.


Le Directeur-Gérant :

RENÉ DOUMIC.