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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/786

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les mots « Souverain des Etats romains, » et qui interdisaient à Sa Majesté Victoria d’accueillir à sa Cour les personnages ecclésiastiques que ce souverain lui déléguerait.

Londres et le Vatican, pour dialoguer lorsqu’il fallait dialoguer, s’étaient dès lors contentés, vingt ans durant, d’emprunter le secours des secrétaires de la légation britannique à Florence : tout cela demeurait quasi-officieux. Et cependant la longévité même de la reine Victoria avait accusé le contraste entre la façon presque offensante dont elle tournait le dos en 1850 au chapelain de l’archevêque de Westminster et les honneurs dont elle comblait, lors de ses deux jubilés de 1887 et 1896, les prélats que lui envoyait Léon XIII [1]. Pour la première fois en 1903, dans la personne d’Edouard VII, la dynastie britannique avait franchi la porte de bronze ; Léon XIII nonagénaire, en qui l’ampleur même de l’imagination rendait rayonnante la vertu d’espérance, avait connu, ce jour-là l’une de ses dernières joies. De cette joie de Léon XIII, Benoit XV dut se souvenir lorsque, dès le mois d’octobre 1914, l’Angleterre entama des pourparlers avec lui en vue de l’envoi d’un représentant.

Le 16 décembre de la même année, sir Henry Howard, de la catholique lignée des Norfolk, était formellement chargé par sir Edward Grey de s’en aller à Rome, et de monter au Vatican ; et ses premières consignes lui recommandaient de complimenter le nouveau Pape et de lui expliquer les efforts vainement dépensés par le Gouvernement britannique pour maintenir la paix de l’Europe [2]. Depuis lors, huit ans ont passé, fa présence de l’Angleterre au Vatican continue ; M. Lloyd George, aux questions, qui de temps à autre lui sont posées, répond qu’il n’y a pas lieu de la faire cesser ; le prince de Galles, visitant Rome en 1918, renouvela vis-à-vis de la Papauté la démarche de courtoisie inaugurée par Edouard VII ; et le cardinal Bourne commentait, avec une flegmatique netteté : « Cette démarche était un devoir pour l’héritier d’un empire où les catholiques sont en si grand nombre [3]. » Halte-là halte-là ! grondait autrefois le cardinal Manning, lorsqu’il lui semblait que le Saint-Siège

  1. Cardinal Gasquet, Great Britain and the Holy See, 1792-1808. Rome, Desclée, 1910. — Georges Denis Weil, Des relations diplomatiques de l’Angleterre et de la Papauté (Nouvelle Revue, 15 juillet et 1er août 1881). — Nouvelles religieuses, 1er août 1918, p. 430-452.
  2. De Monzie, Rome sans Canossa. (Paris, Albin Michel, 1919.
  3. Nouvelles religieuses, 15 juin 1918, p. 338 et 15 juillet 1918, p. 439.