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certain nationalisme religieux, hostile au caractère universel de la foi chrétienne ? Pourront-elles être assimilées aux déclarations par lesquelles jadis les empereurs chrétiens affirmaient rejeter toute superstition et dont l’Eglise de jadis se contenta ? Du jugement qu’à cet égard émettra la papauté dépendra peut-être la prospérité du catholicisme japonais [1] : et les relations diplomatiques ébauchées sous Benoit XV permettront à l’Eglise de mûrir ce jugement et d’en faire un objet de pourparlers avant de le formuler comme un acte de magistère. La Conférence de la Paix, en prenant des décisions qui induisirent le Japon à certains colloques avec la Papauté, joua peut-être un rôle, sans le savoir ni le vouloir, dans l’histoire prochaine du catholicisme japonais : des liens sont ébauchés entre le Pape et le Mikado, et ce n’est pas la Papauté qui les desserrera.

Exclue naguère de la Conférence de la Paix, la Papauté maintenant n’occupe encore aucune place dans la Société des Nations. Cime de la vieille chrétienté, elle pourrait en quelque façon revendiquer, sur cette jeune Société, un droit de paternité, et l’on pourrait presque dire que, tout proche de nous, elle en eut le parrainage, puisque le mot Societas civitatum se trouve, dès 1888, dans une lettre de Léon XIII aux évêques du Brésil. Mais ces mêmes nations qui, individuellement, s’empressaient vers Benoît XV n’ont jusqu’ici mis aucune hâte à souhaiter que dans leurs rendez-vous collectifs le Pape fût représenté ; et la Papauté, de son côté, n’a jamais expressément fait connaître quelle place exacte elle désirerait occuper au milieu d’elles. Cependant Benoit XV, quelques semaines avant sa mort, a reçu l’hommage de la Société des Nations, et c’est à l’homme de miséricorde que cet hommage s’est adressé. Il avait, le 5 août 1921, lancé un appel en faveur de la Russie affamée. « Du bassin du Volga, écrivait-il, de nombreux millions d’hommes invoquent, en présence de la mort la plus terrible, le secours de l’humanité. Il s’agit d’un peuple déjà souverainement éprouvé par le fléau de la guerre ; d’un peuple sur lequel brilla le caractère du Christ et qui a toujours fortement voulu appartenir à la grande famille chrétienne. Bien que séparé de nous par des barrières

  1. Voir le très curieux opuscule qu’ont publié M. Louis Bréhier et Mgr Pierre Batiffol (Paris, Picard. 1920) sous le titre : Les Survivances du culte impérial romain : à propos des rites shintoïstes ; et Nouvelles religieuses, 15 février et 1er mars 1918, p. 125-128 et 156-159, et 1er avril 1919, p. 224.