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L’Internationale du travail et cette société supranationale qu’est l’Eglise furent depuis un demi-siècle en conflit ; et bien que Léon XIII, dans une lettre fameuse à Gaspard Decurtins, préconisât une législation internationale du travail, bien que Léon XIII et Pie X, par l’envoi de délégués officiels, collaborassent activement aux efforts et aux vœux de l’Association internationale pour la protection légale des travailleurs, l’Eglise romaine et l’idée chrétienne ne trouvaient aucun accès dans les sphères directrices du mouvement ouvrier. Benoit XV, pour la première fois, a vu s’entr’ouvrir des perspectives nouvelles. Ce fut à Paris, en mars 1919, qu’elles commencèrent de se dessiner : une réunion tenue au siège du syndicat des employés catholiques du commerce et de l’industrie adressa à la Conférence de la Paix un programme de revendications sociales et jeta les assises d’une confédération internationale des syndicats chrétiens de travailleurs, dont le siège était fixé à Bruxelles. Six mois plus tard, à la Conférence internationale du travail tenue à Washington, les délégués ouvriers officiels expédiés par les divers pays étaient tous des socialistes ; mais parmi les conseillers qu’ils avaient amenés avec eux se rencontraient sept membres de syndicats chrétiens. Et les sept, avant de quitter Washington, publièrent une déclaration où s’affirmait, à l’écart des partis socialistes, l’existence d’une Internationale ouvrière chrétienne.

Le congrès qu’en juin 1920 cette nouvelle Internationale tint à la Haye révéla l’existence, dans les onze nations représentées, de 3 367 000 adhérents. Exception faite pour les Allemands et les Hollandais membres de syndicats évangéliques, tous ces adhérents étaient des catholiques. Une force était donc éclose, à laquelle Benoit XV avait exprimé le vœu qu’elle se comportât en « promotrice des véritables intérêts de la classe ouvrière » : après trente ans de commentaires et d’action lente sur les esprits, le programme social tracé par Léon XIII dans l’encyclique sur la condition des ouvriers devenait, pour une Internationale organisée, une charte de revendications collectives.

En vain le marxisme avait-il édicté, pour le monde ouvrier Tout entier, que la religion devait être une chose privée : Benoit XV voyait plus de trois millions de volontés ouvrières demander au christianisme, — et le plus grand nombre d’entre elles à l’Église de Rome, — une lumière et une orientation pour