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a successivement découvert tous ses dons, les intimes ressources de son souple et riche talent : le paysagiste exquis, le satiriste redoutable, l’humoriste audacieux, le subtil psychologue, le poète incorrigible se sont tour à tour révélés à lui-même, et à un public de plus en plus large. D’autre part, et surtout, il a pris peu à peu conscience de sa véritable nature. Comme la plupart des jeunes gens, sous prétexte de préserver l’originalité de son moi des atteintes des « Barbares, » il avait commencé par se fuir lui-même, par répudier les vraies sources de son inspiration profonde. Français, Lorrain, homme de tradition réaliste et bourgeoise, il s’était germanisé, romantisé à outrance, il s’était imprudemment livré aux poètes et aux philosophes d’outre-Rhin. Puis, pour échapper au nihilisme, où ils le conduisaient, il s’était repris. Il avait retrouvé sa petite patrie ; il en avait goûté le charme. Comme le géant de la fable, il s’était senti plus fort en touchant la terre maternelle. Il comprit qu’à suivre ses directions, qu’à accepter ses disciplines, bien loin de se diminuer, il agrandirait son propre domaine ; il ferait œuvre utile, durable et féconde, et dont la grande patrie bénéficierait à son heure. Ces aspirations nouvelles, il lui restait à les exprimer dans un livre qui serait comme la synthèse de sa personnalité littéraire et morale.


VICTOR GIRAUD.