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J’ai dans les yeux ce bruit d’argent assourdi, dans lequel tremblait la légèreté des capillaires.

Je rabattais le couvercle avec précaution, pour que le choc de la ferrure ne couvrit pas mon cri secret.

Et il me semblait que j’avais emprisonné, dans le puits frais et sombre, quelque chose de vivant, comme un oiseau qui continuerait à voltiger et à chanter en battant des ailes contre la brique humide.


La Sirenetta me dit, — se rappelant qu’un soir je la menai voir l’escalier du Bovolo et que, pour la préparer à l’enchantement, j’avais couvert ses beaux yeux avec mes mains, dans l’étroite calle, avant de déboucher dans la cour Contarine, — la Sirenetta me dit : « Ne crois-tu pas que, dans l’escalier du Bovolo, il y ait quelque nid suspendu ? Je veux le revoir pour savoir si les hirondelles y vont habiter, comme je ferais si j’étais l’une des leurs ! « 

O petite, décloue-moi d’ici et emporte-moi avec toi !

Je suis fixé par deux clous dans les aisselles et deux clous dans les pieds.

Je reste silencieux. Mais un instinct bondissant de ma chair fatiguée imite l’hirondelle rapide.

Ses petits yeux sauvages s’ouvrent sous mon bandeau.

Elle entre dans la cour Contarine. Un cri, deux cris.

Elle vient du quai des Esclavons.

Elle a passé sur Chioggia.

Elle a volé à Saint-François-du-Désert.

Elle a tourné autour du campanile oriental dans l’île des Arméniens.

Elle s’est posée un instant dans la bouche du Lion, sur la colonne de la Piazzetta, avec la tentation d’y faire son nouveau nid.

Elle entre dans la cour Contarine. Un cri aigu, un éclair blanc.

Elle s’abaisse vers les puits arides rassemblés derrière les grilles.

Puis elle effleure les loges en colimaçon, superposées, avec la rapidité musicale d’une main qui fait un arpège sur les cordes d’une harpe sculptée.

Elle brille et voltige autour des derniers balustres.