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On saisit dès lors comment fut ourdie la nasse où devait se prendre Fauche-Borel : dans les premiers jours de janvier 1806, Desmarest s’aperçoit qu’il est joué par le libraire : le 10, il signale à l’Empereur, ainsi qu’on l’a vu, l’ingratitude de cet intrigant et proteste que « le trompeur tombera dans le piège qu’il a tendu. » Le jour même il a pris ses mesures et cherché parmi ses agents secrets un homme connaissant les Fauche, possédant leur confiance et pouvant engager avec eux une correspondance. Veyrat consulté désigne Perlet, nouvelle recrue dont personne ne soupçonne encore l’enrôlement et qui, différentes fois, a été en relation avec les deux frères aux yeux desquels, en sa qualité de « fructidorisé, » et en raison de ses protestations répétées, il passe pour un militant du parti royaliste. Et tout de suite la correspondance s’établit. Desmarest l’inspire et la dirige : l’idée du Comité royaliste, composé de sommités du parti impérialiste, doit être de lui ; car, on le pense bien, ce fameux Comité, dont Perlet vante l’activité et la puissance, est une conception purement imaginaire. Le but que vise d’abord Desmarest est seulement d’attirer Fauche-Borel à Paris et de lui faire expier, — chèrement, — sa défection. Mais il importait que l’amorce fût tentante et l’hameçon bien caché : voici de quelles attirantes insinuations s’enveloppait l’invitation : c’est Perlet qui s’adresse à François Fauche : — «... J’ai des intelligences auprès des autorités... O mon ami ! Si avec tous mes moyens, tous mes préparatifs, il se présentait une bonne occasion et que l’on ne pût en profiter, faute d’un chef !.. Il y aurait de quoi se brûler la cervelle ! J’ai beau me creuser l’esprit pour chercher à Paris le personnage capable de remplir ce but, je ne trouve rien ; et, d’ailleurs, ce serait trop hasarder les intérêts les plus chers du Roi ; c’est au Roi à indiquer ce personnage indispensable qui ne sera connu que de moi jusqu’au moment décisif... Je pourrai, sans le compromettre, lui faire connaître les différents personnages sur lesquels on peut compter... J’appartiens tout entier à Sa Majesté. » Perlet sait que ses lettres sont communiquées à Fauche-Borel : il sait aussi que celui-ci, très imbu de son « expérience, » et très désireux de ne pas laisser le rôle à un autre, s’offrira de lui-même pour être « ce personnage indispensable » dont la présence à Paris est urgente. Ou plutôt, Perlet n’est déjà plus qu’un instrument aux mains de plus habiles que lui : ayant constaté, par les réponses