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tremblante, Louis XVIII riposta : — « Je ne crains pas la pauvreté. S’il le fallait, je mangerais du pain noir avec mes enfants et mes serviteurs... » Ce n’était pas là un mot « à effet, » puisque, peu auparavant, dans le lamentable exode de Varsovie, la famille royale, à bout de ressources, avait dû vendre ses meubles et mettre en gage les diamants de la fille de Louis XVI. Dans cette extrémité, le proscrit errant ne parlait pas moins de « sa couronne, » de « son sceptre, » de « son trône, » de ses « fidèles sujets : » et cette opiniâtre confiance, accrue de toutes les catastrophes qui auraient dû l’entamer, explique la crédulité tenace du Roi et de ses entours aux rapports invariablement favorables de ses agents comme aux machiavéliques perfidies de ses adversaires. La naïveté et l’aveuglement comptent parmi les plus estimés des apanages de la foi.


Ainsi, sans inspirer l’ombre de méfiance, depuis le début de 1806, se poursuivait entre Mitau et les mouchards de Paris cette correspondance dont on a dit plus haut l’origine et le développement. Les lettres de Perlet parvenaient à Fauche-Borel fixé à Londres, ainsi qu’on l’a vu ; celui-ci en adressait copie à son frère François, retiré à Copenhague après l’invasion de la Prusse par les armées françaises, lequel les faisait parvenir en Courtaude. Cette correspondance, — on se le rappelle peut-être, — était, d’abord, un piège du subtile policier Desmarest, désireux d’attirer Fauche-Borel en France : il fallait que, pour l’exemple, le libraire se livrât lui-même au châtiment dû à sa félonie : d’où l’invention de ce faux Comité royal, composé de personnages aussi éminents qu’imaginaires, et l’incessante objurgation que « quelqu’un, » possédant toute la confiance de l’auguste exilé de Mitau, vint personnellement se concerter avec eux. Tel était primitivement le traquenard habilement tendu ; la facilité avec laquelle les deux Fauche, d’Avaray, le Roi lui-même, » gobaient » cette bourde de taille, avait enhardi les policiers : ils tiraient, de leur stratagème, de précieux renseignements sur la politique de l’émigration ; sous prétexte que le Comité réclamait d’être tenu « au courant de tout, » Perlet recommandait à son cher Fauche de ne» lui rien cacher ; » même, soit que Desmarest eût jugé piquant de solder sa police aux dépens du gouvernement anglais, soit que Perlet eût résolu de refaire sa fortune abolie depuis Fructidor, il insinua à