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entre les deux nations : « Comme dans ces alliances où deux êtres se complètent sans se porter ombrage, écrit-il, les éléments de l’une et l’autre civilisation ont chance de s’accorder et de s’entr’aider pour une évolution vers des fins pareilles. L’Océan, lac franco-américain, Brest tendant la main à New-York, et la chaîne ininterrompue des bateaux qui amènent aujourd’hui le renfort américain, continueront, la guerre finie, un échange pacifique de bonnes volontés et une entr’aide nationale qui dépasse dans l’histoire des deux pays cette tragique collaboration guerrière d’aujourd’hui. » Noble espérance qui est aujourd’hui celle de tous les Français clairvoyants et généreux.

« Et maintenant la France ! » Ce mot qui suffisait à dresser debout, dans un élan d’enthousiasme, les plus grands auditoires américains, M. Maurice Barrès a dû souvent se le répéter à lui-même au cours de ses enquêtes psychologiques sur les diverses nations belligérantes. Il est visible que l’auteur de l’Ame française et la Guerre ne perd jamais la France de vue, et qu’à ses yeux aucun objet d’étude ne vaut celui qui consiste à observer et à définir l’âme nationale, telle qu’elle s’est révélée à la lumière de la grande tragédie qui, quatre années de suite, s’est jouée sur la scène du monde. Cette pensée de derrière la tête, — leur titre même en témoigne, — éclate dans tous ses livres de guerre : elle inspire plus précisément encore sa conférence de Londres sur les Traits éternels de la France et son livre, son très beau livre sur les Familles spirituelles de la France.

Invité par l’Académie britannique à venir parler de la France aux Anglais, M. Barrès a excellemment réalisé une très ingénieuse et profonde idée. Laissons-le nous l’exposer lui-même :


M’étant proposé, nous dit-il, de mettre en valeur les titres de notre nation à l’estime universelle, j’ai produit les lettres les plus émouvantes de nos soldats et de leurs familles et puis des faits authentifiés par les mises à l’ordre de l’armée. En regard, je lisais des fragments sublimes de nos chansons de geste ou bien de nos vieux chroniqueurs. C’était comme si j’avais pris à poignée dans le médaillier de la France les types les plus glorieux pour les mêler à nos croix de guerre [1].


Belle image et noble pensée qui a été supérieurement rendue. L’archevêque Turpin et le jeune Vivien, saint Louis et le pape

  1. Voyage en Angleterre, p. 27.