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Urbain II, Guillaume d’Orange et Jeanne d’Arc, Godefroy de Bouillon et le chevalier d’Assas viennent donner la réplique à Jean Allard-Méeus, à Alain de Fayolle, à Gaston Voizard, à François Laurentie, à Driant, à Jacques Péricard, le héros de « Debout, les morts ! » Ce sont les mêmes mois, les mêmes attitudes, les mêmes états d’âme généreux, héroïques et naïvement sublimes qui se renouvellent et se font écho à plusieurs siècles d’intervalle... Je doute qu’un Français puisse relire tout ce discours sans que des larmes d’émotion et d’admiration lui montent aux yeux, sans ressentir ce frisson spécial de fierté qu’on éprouve à Versailles, dans la Galerie des Batailles, à constater qu’un vieux peuple comme le nôtre a derrière lui toute une longue et glorieuse tradition de vertu militaire, et que ses plus beaux gestes se répètent à travers l’histoire, il est heureux que de telles pages aient été traduites dans presque toutes les langues : l’âme française ne pourrait souhaiter un plus éloquent et plus véridique témoignage.

Ce témoignage se retrouve précisé et développé dans le livre sur les Diverses familles spirituelles de la France. Ce livre, — que peut-être n’aurait-on pas attendu jadis de l’auteur de Leurs Figures, — on ne saurait trop en louer la généreuse inspiration. C’est le plus beau gage d’union sacrée qu’un écrivain français put fournir. C’est la plus triomphale réponse que l’on ait jamais faite à ceux qui expliquent toute l’histoire de notre pays par l’opposition et la domination alternée de « deux Frances » ennemies et irréconciliables. Sous la diversité apparente des « familles spirituelles » qui ont surgi sur notre sol, l’écrivain a découvert et mis en un puissant relief l’identité foncière des âmes. Catholiques, protestants, israélites, libres penseurs, syndicalistes, internationalistes, traditionalistes, ils ne cherchent plus à heurter violemment leurs credos respectifs, mais ils puisent dans leurs croyances particulières, des raisons, parfois diverses, parfois analogues, de se sacrifier pour la même cause supérieure et sacrée. Leurs lettres nous font pénétrer dans leur vie intérieure. M. Barrès a feuilleté bon nombre de ces lettres : il en a extrait, classé, commenté avec une respectueuse piété, avec la plus cordiale et la plus intelligente sympathie, les passages les plus significatifs. Et ce livre ainsi composé est l’un des plus émouvants que je connaisse, et celui peut-être où nous pouvons le mieux saisir l’âme de la France en guerre.