Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 7.djvu/921

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui peuvent donner une voix. Acceptons notre insuffisance. Les grandes choses doivent être dites simplement. » Voici l’arrivée des premiers officiers dans un village des environs de Metz :


De tous les coins les enfants accourent, tandis que, sur les seuils, les femmes et les hommes restent figés, n’osant croire, pétrifiés de crainte et de bonheur.

Nous demandons le maire : il arrive les mains tendues : « Nous vous attendions depuis quarante-sept ans. »

Rien de plus.

On se regarde avec des yeux pleins de larmes, on se reconnaît : on est de même race, il n’y a plus qu’à s’embrasser.


Puis, c’est l’entrée quasi religieuse des soldats de France dans la vieille cité messine. Et cette « chose vue « dans la cathédrale de Strasbourg :


Pétain vient d’inviter Castelnau à se tenir auprès de lui. Je n’oublierai jamais le geste filial du plus vieux des chanoines. Ce vieillard, le chef du chapitre, tenait dans sa main la main du maréchal de France, et ils allaient ainsi comme un enfant avec son père, ou comme deux frères. Sainte familiarité, indicible simplicité de l’héroïsme ! Les orgues exultaient d’allégresse, les lumières faisaient un diadème aux poilus, les voix escaladaient le ciel, et tout le monde pleurait... Tous les morts de la guerre et tous les survivants emplissaient la nef, heureuse de contenir une fois une âme digne de ses beautés.


Ces gestes, ces mots, ces spectacles inoubliables, il était de toute nécessite morale que l’auteur d’Au service de l’Allemagne en fût le témoin émerveillé et l’annaliste fidèle. Il manquerait quelque chose à son œuvre si ces pages, puissamment symboliques, n’y figuraient point. Et l’on conçoit qu’il ait pu écrire : « Jusqu’à la dernière minute de notre vie, quand nous baisserons nos paupières pour nous recueillir, nous trouverons toujours dans notre conscience l’étincelle qu’y déposent ces grands jours [1]. »

Mais ce n’est pas seulement en Alsace-Lorraine que « l’appel du Rhin « s’est fait entendre de la France triomphante ; c’est dans tous les pays rhénans. Et toute la France a suivi et « s’en est allée tremper ses drapeaux dans le fleuve. »

Or il faut maintenant préciser les espérances que « ces

  1. L’Appel du Rhin : La Minute Sacrée, Société littéraire de France, 1919, p. 44, 16, 20, 21, 22, 46.