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son moi jusqu’à lui faire contenir et exprimer le nationalisme intégral : un nationalisme sans étroitesse, et qui sait être juste et libéral, même à l’égard de ses ennemis, mais qui n’en est pas moins un nationalisme résolu : les « Barbares » ont été repoussés jusqu’aux frontières du monde hellénique et latin. Né romantique de par ses hérédités et ses premières lectures, il a débuté par le romantisme le plus exalté et le plus nuageux ; et, comme un vin généreux qui peu à peu se dépouille, il est allé se clarifiant, se simplifiant, se disciplinant et, sans répudier toutes ses rêveries de poète, il a connu le prix de l’ordre, de la sobriété, de la raison, bref, il s’est rangé à la tradition classique. Dilettantisme, pessimisme, nihilisme, il a commencé par sacrifier, — avec combien d’autres ! — à tous ces faux dieux de sa jeunesse ; mais il les a reniés à temps, et par la plume et par l’exemple, il a fini par glorifier les saines vertus et le nécessaire optimisme de l’homme d’action.

Cette évolution est toute pleine d’enseignements que tous les candidats à la gloire pourront méditer avec fruit. Si M. Maurice Barrès s’était trop longtemps attardé aux jeux d’esprit qui remplissent ses premiers livres, il aurait été sans doute l’éternel élu des petites chapelles littéraires ; il n’aurait jamais été le grand écrivain national, admiré de tous, qu’il est devenu depuis. Par la riche variété de son œuvre, par la multiplicité de ses dons, par la souplesse pénétrante d’une pensée singulièrement agile, aiguë, hospitalière, par toute son activité d’écrivain et d’homme public, par le tour et l’accent de sa personnalité morale, par la grâce et la vivacité prenante d’un style tour à tour nerveux, familier, poétique, et dont la vivante spontanéité s’accompagne de beaucoup d’art, M. Maurice Barrès a noblement tenu en haleine les âmes qui ont préparé la victoire française et qui l’ont si magnifiquement gagnée.


VICTOR GIRAUD.