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occupe l’Afrique centrale de l’Ouest, n’a-t-elle pas encore son chemin de fer de la Méditerranée au Niger ?

Pourquoi, dans le vaste projet de la mise en valeur de notre domaine colonial, doublement remarquable par le fond et par la forme, par la conception de l’ensemble et le souci des détails, que vient de déposer M. Sarraut, n’est-il pas fait même une allusion au Transsaharien ? Pourquoi cette question si grave, si foncièrement nationale, de la jonction de notre Afrique du Nord avec le Soudan, parait-elle avoir si peu préoccupé jusqu’ici nos législateurs et nos gouvernants ?

Nous touchons ici à l’un des points les plus sensibles et les plus délicats de notre politique coloniale.

Nous avons un domaine d’outre-mer dont les possessions coloniales, réparties sur les quatre parties du monde, dépendent du ministère des Colonies. Mais nous avons aussi l’Algérie, terre française rattachée au ministère de l’Intérieur, et encore des Protectorats, tels que la Tunisie et le Maroc, qui ressortissent au ministère des Affaires étrangères ; en somme, un domaine d’outre-mer régi par trois ministres différents. Quel est celui qui eût dû prendre l’initiative dans cette question du Transsaharien, intéressant à la fois l’Algérie, les Protectorats et l’Afrique occidentale ? Et, en supposant qu’ils fussent tous les trois d’accord sur le principe, quel est celui qui eût pu imposer sa décision ? Bien qu’il soit inadmissible que de pareilles questions de forme aient pu reléguer dans l’oubli l’étude d’un aussi capital problème, il n’est cependant pas douteux que ce manque de direction supérieure et de centralisation au sommet de notre vaste domaine africain, constitue un point faible, sinon un obstacle, dans ses destinées.

Pour créer cette unité de méthode et de direction, pour mettre fin aux frictions et aux tergiversations qui ont maintes fois résulté de cette trilogie de pouvoirs coloniaux, on a proposé soit d’instaurer un grand ministère de la France extérieure, soit de créer, pour l’Algérie, la Tunisie et le Maroc, un ministère de l’Afrique du Nord. C’est trop ou pas assez. Car la première solution constituerait une trop lourde charge, et la seconde, tout en tendant à unifier ce qui ne peut pas être unifié, ne résoudrait que partiellement la question. Elle consacrerait même et fortifierait une dualité qu’il importe, au contraire, de faire disparaître.