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s’exposer à de fâcheuses surprises et à de cruels mécomptes, il faut qu’elle s’habitue à l’idée de rechercher en elle-même la principale garantie de sa force et de sa sécurité. Cette garantie, elle pourra surtout la trouver en Afrique, mais dans une Afrique matériellement unifiée, compacte, solidement reliée à la Métropole.

Sachons le comprendre pendant qu’il en est temps encore ; sachons concevoir que, dans l’incertitude des temps à venir, nous avons la chance de pouvoir asseoir nos destinées sur une politique africaine dont les directives pourraient se formuler ainsi :

Par une doctrine navale appropriée à nos moyens, assurer l’inviolabilité de nos communications méditerranéennes.

Par un système de colonisation offrant aux émigrants les facilités et la sécurité nécessaires, intensifier en Algérie et Tunisie le peuplement français, créer le centre d’essaimage qui débordera sur l’Afrique centrale.

Enfin, par la construction du Transsaharien, articuler et vivifier cet Empire Africain qui, dans un demi-siècle, pourra constituer le grand réservoir de nos forces.

Voilà une ligne droite solidement jalonnée ; suivons-la.

Sans rien abandonner de nos alliances et de nos autres espoirs, qu’elle soit l’axe central et fixe d’une politique qui ne variera plus au gré des événements immédiats ou des changements de ministère.

En un mot, ayons une politique africaine et coloniale à larges vues et à longue échéance ; et rappelons-nous que seuls peuvent durer et grandir les peuples capables de persévérer dans un idéal rationnellement conçu et fermement suivi.

M. Millerand va bientôt visiter l’Afrique du Nord. Si peuplées, si vivantes et luxuriantes que lui apparaîtront ces régions ensoleillées de l’Afrique Arabo-Berbère, il ne manquera pas de se souvenir que ce n’est là cependant, que le vestibule de notre magnifique domaine ; et qu’au delà de nos deux Allas, au delà du Sahara, il y a tout ce vaste monde de l’Afrique noire, attendant pour s’éveiller et entrer dans le cycle des évolutions et des progrès décisifs, le trait d’union ferré, qui, le rattachant à sa sœur aînée, le rapprochera de la France.


Général AUBIER.