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humble, mais pénitente, elle revient. Son père, intraitable d’abord, consent à lui pardonner. Alors, émus l’un et l’autre de pitié réciproque, Manuel commence d’aimer sa nièce et celle-ci d’aimer son oncle. Amour pur, mystique, idéal, auquel il semble que leur passé commun les ait médiocrement préparés, mais qui va les racheter tous deux.

Voilà donc Manuel « sur les chemins de la croyance. » Un soir de fête, de la fête de la Vierge, le demi-converti consent à garder jusqu’au jour la chapelle de la Madone, la Madone elle-même, et les joyaux dont elle est, à l’espagnole, pompeusement parée. (Les joyaux de la Madone. Il y eut naguère un opéra de ce nom. Mais c’était une autre histoire. Achevons celle-ci.)

Pendant sa nocturne veillée, Manuel sent bien encore, au fond de son âme, le doute revenir et gronder la révolte. Soudain surgissent de l’ombre trois de ses auditeurs d’hier, employés de l’église. Ceux-là passant de la doctrine à la pratique, ont résolu de faire main basse, au nom du travail, sur le capital que représentent les bijoux de la Vierge. Manuel indigné les défendra. Mais d’abord il se défend lui-même, lui, l’apôtre de l’idée pure, de l’idée rédemptrice et non de l’action criminelle. Peu sensibles à la distinction, les camarades l’assomment à demi. De sa main défaillante, il peut du moins sonner la cloche d’alarme. Fuite des cambrioleurs ; arrivée d’Esteban, de Sagrario et de la tante, plus quelques chanoines ; conversion finale et totale du généreux anarchiste, qui meurt, — longuement, selon l’usage, — entre les bras de Sagrario défaillante, en entonnant le Salve Reqina. Tout cela, qui fait, paraît-il, un beau, très beau roman, ne donne au théâtre, faute de préparations, de transitions et de développements, qu’un drame assez sommaire, et quelque peu heurté. Le style n’en est pas toujours d’une pureté parfaite. Il ne faut pas dire, ni même chanter : « Partie à Madrid » ou encore : des âmes qui « tendrement se causent. »

Pour la musique, arrivez au commencement. Les premières pages sont excellentes. Un thème paisible et grave y est exposé, puis, avec un soupçon de fugue, développé. C’est, le premier de tous, ainsi qu’il convient, et ce sera constamment, au cours de l’ouvrage, le « motif » religieux, le signe ou la figure sonore des gens et des choses d’église, et de l’église, de la cathédrale. Mais celle-ci voulait davantage. Et les pieux accessoires qui s’ajouteront à la mélodie principale, ne suffiront pas non plus pour créer le « milieu, » ou l’atmosphère, dont la musique, en ce sujet, devait et pouvait nous