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quelle importance a pour le savant la connaissance des relations numériques existant entre les objets, la mensuration, l’art de mesurer.

C’est ce qu’a lumineusement exposé M. Emile Picard, secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences, lorsque, ouvrant récemment la sixième conférence générale des poids et mesures, il s’exprimait ainsi :

« Dans maintes recherches scientifiques l’âge héroïque est passé, où, avec un matériel très simple, on pouvait faire de grandes découvertes. Quoique tout reste possible aux hommes de génie qui, de loin en loin, ouvrent des voies nouvelles avec des moyens de fortune, le progrès scientifique résulte le plus souvent aujourd’hui de longs et patients efforts, qu’il s’agisse de laborieux calculs ou de minutieuses observations et expériences. L’astronome trouve à peine suffisant le centième de seconde et des mesures sur des quantités infiniment petites lui sont nécessaires pour évaluer l’infiniment grand. Le physicien apporte une extrême précision dans la recherche des densités et trouve des gaz nouveaux dans l’atmosphère. Le chimiste modifie sur les éléments avec les nombreuses décimales des masses atomiques et les corps isotopes... Nous accumulons approximations sur approximations, mais un des articles de notre foi scientifique est que ces approximations successives sont convergentes, comme disent les mathématiciens, et que nous approchons sans cesse d’un petit nombre de vérités toujours plus compréhensives, synthèses des nombreuses vérités partielles peu à peu découvertes.

« C’est peut-être une chimère, mais elle soutient des générations de chercheurs dans leur labeur jamais terminé.

« Où trouverait-on un plus bel exemple de la patience inlassable du savant que parmi les métrologistes, en lutte tous les jours avec une matière en apparence inerte, mais se transformant cependant comme un être vivant... »

Si on veut me permettre de résumer d’un trait ce qui se dégage de tout cela, il me semble que dans les sciences (j’entends dans les sciences expérimentales, sources seules de toute vérité, selon le mot profond d’Henri Poincaré) la métrologie, la détermination des relations numériques des phénomènes soit en quelque sorte l’achèvement de l’œuvre, celle-ci consistant d’abord dans la constatation du phénomène lui-même. Lorsque Rœntgen remarque qu’en faisant tomber des rayons cathodiques sur une anticathode métallique, il émane de celle-ci des rayons ultrapénétrants doués de la propriété d’impressionner les plaques photographiques et de décharger les corps