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que pareil crime fût commis en France contre des troupes allemandes, qu’arriverait-il ? Si, la première fois qu’un soldat français a été victime d’un attentat, nous avions fusillé les coupables ou, à leur défaut, les autorités responsables, le commandant Montalègre et les braves petits chasseurs de Gleiwitz seraient encore vivants. Inutile d’ajouter quelques millions à la note impayée des réparations : c’est sur place qu’il faut châtier. Le chancelier Wirth se plaignait, dans son discours du 10 janvier que nous voulions perpétuer la politique de la force. Comment n’y serions-nous pas ramenés, puisque c’est la seule que ces Prussiens comprennent ? Le triste événement qui met en deuil des mères françaises fera-t-il réfléchir les Anglais ou Américains qui trouvent rigoureuse notre politique à l’égard de l’Allemagne ? Peut-être voudront-ils nous aider à mener à bien cette œuvre de « déprussianisation » de l’Allemagne, qu’ils réclamaient avec nous durant la guerre, que nous aurions dû, ensemble, faire aboutir en Rhénanie et en Hanovre, en Silésie et dans l’Allemagne du Sud, et sans laquelle l’Allemagne restera un élément de danger et de trouble ?

La grève des « cheminots » a une autre signification. Elle est, au fond, dirigée contre les projets fiscaux du cabinet Wirth. Le mouvement, qui a pris de grandes proportions, va accroître le déficit déjà « colossal » de l’exploitation des chemins de fer ; il nuira aux producteurs comme aux consommateurs ; seules les populations rhénanes sont protégées contre lui par les autorités interalliées. La grève ne sert que les intérêts des grands industriels dont Hugo Stinnes est le chef de file ; ces magnats de l’industrie tiennent, dans l’Allemagne d’aujourd’hui, la place qu’y occupaient, jusqu’à 1918, les généraux et l’État-major ; ils fondent leur domination sur la ruine de l’État et travaillent à concentrer toutes les forces allemandes de production entre quelques mains. A la formule ancienne des cartels qui consistait à opérer la concentration « horizontale » des divers établissements d’une même spécialité industrielle, — par exemple faire le trust des charbonnages, des aciéries, — ils ont substitué la concentration « verticale, » beaucoup plus rationnelle et puissante : elle consiste à réunir dans les mêmes mains toutes les usines ou organes par lesquels une même matière passe, se transforme et se transporte avant d’arriver au marché consommateur. Par exemple, une grande firme métallurgique possédera ses mines de charbon et de fer, ses fonderies, ses aciéries ; elle s’associera à d’autres firmes de même nature pour avoir ses chemins de fer, ses wagons, ses bateaux sur les canaux et sur la mer. L’Allemagne ne peut plus prétendre au premier rang pour