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la production de la fonte ou de l’acier ; elle a donc intérêt à transformer chaque tonne d’acier en produits finis : instruments de chirurgie, ressorts de montre, machines-outils, etc. Les grandes firmes ont leurs journaux, leurs députés, leur parti politique. L’État ne sera bientôt plus qu’une délégation des grandes firmes. Ainsi, d’après la conception des industriels allemands, la concentration « verticale, » poussée à ses extrêmes limites, rejoint la conception marxiste et prépare l’absorption du néo-bolchévisme pour l’exploitation de la Russie et de l’Europe. La grève des cheminots, dirigée surtout contre l’État propriétaire des chemins de fer, fait le jeu des grands « capitaines d’industrie » et prépare l’opération qu’ils méditent pour se rendre maîtres des chemins de fer de l’Allemagne [1]. Entre les grandes firmes et les puissants syndicats ouvriers, ce n’est pas la guêtre qui se prépare, c’est la coopération et, pour ne pas nous payer, la complicité. C’est, ne l’oublions pas, la conjonction des intérêts du parti industriel et du parti militaire qui a décidé la guerre de 1914 ; c’est la même coalition qui a décidé d’abolir le Traité de Versailles et qui travaille à rester maîtresse du Gouvernement sous M. Wirth comme elle l’a été sous le docteur Simons.

Le chancelier Wirth sera-t-il assez fort pour résister ? C’est ce qui donne tout son sens et son intérêt au troisième fait, à savoir l’entrée de M. Walter Rathenau dans le cabinet en qualité de ministre des Affaires étrangères. Pour la première fois depuis qu’il existe un chancelier du Reich, sa fonction est séparée de celle de ministre des Affaires étrangères. Si M. Rathenau est un grand industriel, il n’appartient pas au « parti industriel, » et même il s’en présente comme l’adversaire. Ses tendances socialisantes, ses déclarations sur la nécessité pour le Reich de tenir ses engagements, lui ont aliéné la vieille Allemagne conservatrice et pangermaniste qui ne lui pardonne pas les accords de Wiesbaden. La déception et la colère des chefs du parti « populiste », les Streseman, les Stinnes, soulignent l’importance de l’entrée de M. Rathenau à la Wilhelmstrasse. Les démocrates, dont l’attitude restait ambiguë, déclarent qu’ils donneront tout leur appui au cabinet Wirth ; les partis de droite se déclarent ses adversaires. Depuis longtemps le docteur Wirth

  1. Voyez : le Problème de la socialisation en Allemagne, par Marcel Tardy, dans la nouvelle et excellente Bibliothèque de la Société d’Études et d’informations économiques. Voyez aussi, dans la Revue d’Économie politique : la Question des réparations depuis la paix, par Y... Cette initiale cache l’une des personnalités les mieux qualifiées pour bien connaître le problème des réparations.