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textes, c’est que les deux pays donnent, le plus tôt possible et avec éclat, le spectacle de leur entente et de leur volonté d’agir d’un commun accord en face des difficultés nouvelles qui surgissent chaque jour. La Conférence de Gênes sera une occasion sans précédent de manifester cette solidarité qui en imposera aux fauteurs de troubles, quels qu’ils soient. Lord Grey, dans un nouveau discours, courageux et noblement inspiré, prononcé le 27 à Edimbourg, s’est élevé contre la politique de l’isolement et a montré l’utilité, pour les deux pays, de revenir à l’entente cordiale. Il faut, à son avis, revenir aux méthodes pratiquées de 1904 à 1914, quand les deux cabinets agissaient l’un vis-à-vis de l’autre avec une entière franchise et une volonté constante de collaboration. Où, depuis l’armistice, n’avons-nous pas trouvé sur notre route l’opposition plus ou moins ouverte de la politique ou des agents britanniques ? Partout, comme en vertu d’un mot d’ordre, les Anglais travaillent contre l’influence française. C’est cette atmosphère de défiance et de malveillance qu’il importe, de part et d’autre, de dissiper. Les négociations difficiles qui se poursuivent entre Londres et Paris pour le règlement de la question d’Orient en offriront l’occasion aux deux Gouvernements.

Le nouveau livre de M. John Maynard Keynes aura-t-il une heureuse influence pour le rapprochement politique des deux pays ? Il suffit pour en douter d’en connaître le titre : A Revision of the Peace Treaty ; demander la révision du traité de paix, c’est prendre la mauvaise route, celle qui aboutit à une impasse ; la bonne voie est celle d’un accord sur les modes d’exécution du Traité de Versailles. M. Keynes, s’il évalue très au-dessous de leur valeur les indemnités dues à la France, a du moins le mérite d’insister, avec de solides arguments, pour l’annulation réciproque des dettes des Alliés les uns envers les autres. Cette thèse a reçu récemment l’approbation chaleureuse de M. Asquith. Rien ne serait plus équitable ; rien non plus n’amènerait plus sûrement une détente des changes et ne préparerait mieux la détente des esprits. Pour arriver à l’allégement des charges qui pèsent sur l’Allemagne, c’est la seule voie légitime, dans laquelle il faudra bien, après beaucoup de détours, finir par s’engager.

Nous en sommes, pour le moment, bien éloignés, et c’est des États-Unis que nous viennent de justes sujets d’alarme et de tristesse. Sur la proposition de M. Mac-Cormick, le Sénat a volé une motion invitant le Gouvernement à déclarer aux Alliés qu’ils devront avoir payé leurs dettes de guerre aux États-Unis dans un délai de vingt-cinq ans, y compris les intérêts à 4 1/4 pour 100 au minimum. Le projet a été