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satisfaisante du problème. » La Conférence de Gênes donnera-t-elle à l’Allemagne ce crédit ? Est-ce bien cela d’ailleurs qu’elle en espère ? N’est-ce pas plutôt la révision du Traité de Versailles ? Que la Conférence de Gênes entraîne nécessairement la révision du Traité de Versailles, Trotsky l’a démontré à l’envoyé spécial du New-York Times : « Le but du pacte de Versailles était d’écraser d’Allemagne et d’isoler la Russie derrière un réseau de fils de fer barbelés. Aujourd’hui la Russie et l’Allemagne sont invitées à venir à Gênes discuter des plans pour changer en reconstructions les réparations inspirées par la haine à Versailles. Qu’est-ce donc, sinon la révision ? « En Italie d’importants journaux, ceux notamment de M. Nitti, tiennent le même langage. L’un d’eux demande que la France en finisse avec « le bivouac et l’orgie dans le pays des vaincus. » M. Dernbourg, et avec lui la masse de l’opinion allemande, en attend « la fin de l’oppression des vaincus par les vainqueurs. » Et M. Lucien Le Foyer, — un Français, lui, il est utile de spécifier, — estime que ce « concile de la civilisation » marquera « la défaite de la victoire ».

Mais la reconstruction de l’Europe, le crédit à l’Allemagne, la remise sur pied de la Russie, ne sont-ce pas les États-Unis d’Amérique qui, surtout, y pourraient pourvoir ? Or le Gouvernement de Washington manifeste son intention formelle de s’abstenir. M. Hoover, qui fut naguère le « grand ravitailleur » de l’Europe après l’armistice, admettrait cependant la participation des États-Unis à la Conférence de Gênes, pourvu que le Gouvernement bolchéviste démobilisât l’armée rouge et que la France réduisît son armée. Sans insister sur ce que l’assimilation a d’injurieux à l’égard de la France et d’une armée aux côtés de laquelle ont combattu des soldats américains, constatons qu’il n’y a aucune chance pour que le Gouvernement des Soviets démobilise l’armée rouge. Que va faire, sans l’Amérique, la Conférence de Gênes ? Que ferait-elle d’ailleurs, même avec elle ? La grande combinaison de M. Lloyd George qui consistait à faire rentrer, à la Conférence de Gênes, les Américains dans les affaires européennes, est à vau l’eau. Seuls ceux, individus ou nations, qui ont intérêt à troubler l’Europe et à remettre en question les résultats des traités voient s’approcher avec confiance les ides de mars.

En attendant, on cherche, entre Londres et Paris, à préciser, dans des conversations diplomatiques, un programme pratique et limité pour la Conférence. M. Poincaré et lord Hardinge, lord Curzon et le comte de Saint-Aulaire poursuivent, sans précipitation, l’entretien au sujet du pacte franco-britannique. Ce qui importe plus que les