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eux aussi exiger de la France un droit de regard sur ses finances et sa politique. Il y a là un avertissement et un danger. Nous ne nous arrêterons pas à discuter la thèse qu’a fait momentanément triompher M. Mac-Cormick. Les Américains qui, sur leur continent, ne peuvent pas avoir d’ennemi assez puissant pour leur donner quelque alarme, sont doués d’assez de bon sens et gardent assez de sympathie pour la France de La Fayette et de Foch, pour comprendre quels sentiments nous éprouvons quand ils assimilent les dettes que nous avons contractées envers eux en combattant côte à côte avec leurs soldats sur le front de la liberté, avec les dettes dont les Allemands se sont chargés en nous attaquant et en ravageant systématiquement les provinces les plus riches et les plus civilisées de la Belgique et de la France. Les Américains s’apercevront un jour que, des politiques, successives où les entraînent leurs élus, la plus noble fut celle qui les amena dans les tranchées de France, et que la plus loyale serait de continuer une œuvre si bien commencée. La Société des Nations de Wilson, avec ses imperfections, est encore plus pratique que le Parlement universel de Gênes ou le « Comité des Nations » qu’on voudrait instaurer à Washington.

Pour le moment, l’opinion américaine est tout à la joie de l’heureuse conclusion de la Conférence de Washington. Le président Harding, dans son discours de clôture, a affirmé que « la foi jurée par ces traités marque le début d’une époque nouvelle et meilleure dans le progrès de l’humanité. » C’est beaucoup dire ! Tenons-nous en à la déclaration du secrétaire d’État Hughes : « L’esprit qui a animé les délibérations importe plus encore que les résultats acquis. » Chaque nation a consenti des sacrifices méritoires. La limitation des armements navals devient une réalité. La paix est assurée dans le Pacifique ; mais on peut se demander si elle a jamais été sérieusement menacée. Les Japonais ont signé avec les Chinois un traité au sujet du Chan-Toung qu’ils s’engagent à rendre à son propriétaire légitime, ainsi que le chemin de fer que les Chinois rachèteront par annuités. L’intégrité de l’Empire chinois est de nouveau proclamée intangible ; la « porte ouverte » et l’égalité des droits pour toutes les nations en Chine sont garantis. Le prince Tokugawa et ses collègues japonais ont adroitement manœuvré ; ils ont réservé les droits spéciaux qui résultent, pour leur pays, de son voisinage avec l’empire chinois ; c’est, pour eux, l’essentiel ; par cette petite porte, que ne passera-t-il pas ? Les Japonais n’ont nullement besoin d’une grande puissance navale pour continuer en Chine, en Mandchourie, en Sibérie