n’a plus de but, comme lorsque j’ai retrouvé un nom cherché pendant des heures. La présence de Dolly me pèse. Je l’abandonne, désemparée. — Vous me lâchez ?... — Je n’aime pas beaucoup cette expression. — Oui, je vous quitte... Étriquée dans son chagrin comme dans ses joies, elle me regarde sans parler. Le crépuscule lui va bien mal, ses yeux s’enfoncent, son menton sort, son visage entier devient masque ; il ne lui manquerait plus que de sourire pour y ajouter des rides. — Souriez-moi, Dolly... Tendrement, pauvrement, elle me sourit. » Un peu d’ironie est là et dissimule, sans l’atténuer, la tristesse. Vous ne vouliez pas, en effet, qu’on pleure à chaudes larmes, devant vous !
L’ironie vous déplaît pourtant. Alors, lisez l’« adieu à la guerre, » une douzaine de pages qui sont l’épilogue de l’Adorable Clio ; j’en citerai seulement quelques lignes. Souvenir de la mobilisation ; le nouveau soldat, sur le point de partir pour la guerre, va dire adieu à ses parents, passe la nuit chez eux ; « A mon réveil, ils m’entourèrent. Mais, déjà, j’étais leur aîné : j’étais plus près qu’eux de la mort. » Maintenant, la guerre est finie, et finie par la victoire : « Il est midi. La rue est coupée en deux parties inégales par l’ombre et le soleil ; du côté étroit de l’ombre, les enfants, qui mangent pour la première fois des gâteaux, reviennent de Saint-Sulpice, où tous leurs saints depuis hier sont victorieux, à la main de leur grand-père, qui mange à nouveau des bonbons ; du côté du soleil, les animaux, chiens et chats, dorment et courent, vivent au large. C’est sur leur trottoir que je vais ; à chaque minute, un des trois millions de moineaux part sous mes pas... Il est midi. Un vent léger remue les platanes ; en appuyant du doigt sur son œil, on voit toutes choses avec un contour doré ; le vin est rose dans les carafes ; la nappe est blanche sous l’argent et sous les cerises... Ce que je fais ? Ce que je suis ? Je suis un vainqueur, le dimanche, à midi. » L’on peut imaginer une autre façon de célébrer la victoire et de la chanter : nous avons des orateurs, à ne savoir qu’en faire ; et la place publique demande une éloquence moins discrète. La discrétion que voilà, qui est modeste et qui est jalouse, ne supprime pas l’allégresse ni la fierté.
Il fallait citer ces quelques passages de l’œuvre de M. Giraudoux et constater qu’il n’est pas toujours un bon écrivain, qu’il est souvent un écrivain de qualité rare et exquise. L’étrange écrivain ! par moments, le plus attentif, jusqu’à une espèce de préciosité, puis négligent jusqu’à écrire : « Biset se heurte à une porte en apportant le rapport... » Il n’accumule pas à dessein la porte et le rapport qu’on