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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/384

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Il est beau d’oublier, lorsque nous voyageons,
Tout ce qui sous un toit nous rappelle à nous-mêmes.
Les désirs sans regret comme ceux des bourgeons,
Ne sont permis qu’aux cœurs bohèmes,.

Se sentir dans l’amour frères des animaux,
Ce n’est point s’abaisser ni faire aux dieux offense,
Mais, dépouillant l’humain, c’est dépouiller ses maux,
Et revivre, très loin, par delà son enfance,
L’âge où dans l’univers tout était confondu.
La fraîcheur de la feuille obscure
Et le parfum de la fourrure,
Tout en toi se retrouve et par toi m’est rendu.



A cet écueil taillé comme un cristal de roche,
Pâle comme un caillou que le soleil blanchit,
A ce flot, d’un bleu noir sous le vent qui fraîchit,
Reconnais que Marseille est proche.

En ce point de contact du Midi et du Nord,
Dans l’ardente maigreur des lignes.
Tu peux, quoiqu’effacés, apercevoir les signes
Du plus sublime accord :
Celui qu’un dieu marin, à l’endroit où nous sommes,
Conclut jadis avec les hommes.

L’amitié que Neptune eut pour les colons grecs,
On en respire ici le souvenir tenace
Dans l’odeur du poisson qui, croulant d’une nasse,
Se tort sur un lit de varechs.

Et j’en distingue encore une trace avilie.
Le long de ces faubourgs où les volets sont clos,
Dans l’appel de basse folie
Que les filles le soir jettent aux matelots.