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Implacable sagesse antique,
Toi qui revêts la volupté
D’une grandeur si dramatique,
Je veux entonner un cantique
A ta profonde dureté.

Peuples aigris, peuples malades
Où l’amour ressemble au remord,
En vain dites-vous : « Pan est mort ! »
Des Baléares aux Cyclades,
Le dieu détrôné reste fort.

Et puisqu’on l’a chassé des villes.
Chassé des bois et des ruisseaux.
Marchant sur les vagues tranquilles,
Le soir, il erre entre les îles ;
Rêveur, il s’accoude aux vaisseaux.

Tu peux voir là-bas, à la proue.
Se profiler son dos puissant ;
Des vapeurs nous cachent sa joue,
Mais, sur son front resplendissant,
Le ciel glisse comme une roue.

Dans ce silence énorme et bleu.
Enlacés sous l’étoile fine,
Faisons, brûlants du même feu.
De cette minute divine
Une offrande enivrée au dieu.

Mais n’espérons point que sa face
Soudain s’émeuve à notre cri.
Nul ne l’a jamais attendri.
Jamais il n’a pleuré ni ri.
Et, dès qu’on l’implore, il s’efface.