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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/481

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En Italie, la crise ministérielle ouverte le 2 février par la démission du cabinet Bonomi a duré près d’un mois ; le Cabinet nouveau, que préside M. Facta, n’a été constitué que le 26 ; et à peine peut-on dire que la crise soit vraiment terminée. Elle a un caractère particulièrement significatif ; elle révèle l’absence d’une majorité de gouvernement à la Chambre, qui rend indispensable une coalition, et le désarroi politique du pays. Des 535 membres qui composent la Chambre, 150 appartiennent à l’extrême gauche et sont en majorité des socialistes à tendances réformistes ; le communisme et le socialisme révolutionnaire sont nettement en recul depuis l’échec des grandes grèves du Piémont et de Lombardie ; 150 députés environ se qualifient de démocrates, mais sont loin de constituer un parti homogène ; ils se groupent, soit d’après les régions qu’ils représentent, soit, surtout, autour des chefs dont ils constituent la clientèle : Giolittiens, Nittiens, Orlandiens, etc. Les « populaires » sont un parti nouveau-venu dans la politique italienne et dont l’entrée en ligne a bouleversé tout l’ancien équilibre des factions parlementaires ; catholiques et démocrates, ils constituent un groupe jeune et vigoureux, homogène et discipliné, de 107 membres. Ils ont des chefs fort distingués, M. Meda, M. Mauri, dans le Parlement, et, hors du Parlement, don Sturzo. Leur action dans la Chambre actuelle, leur participation brillante à la plupart des gouvernements de guerre et d’après-guerre, leur programme social et politique, les incidents qui ont marqué la mort de Benoît XV, inquiètent les vieux partis anticléricaux et aussi la droite conservatrice qui compte 80 députés. La crise ministérielle a été originairement une manœuvre dirigée contre les « populaires, » mais toutes les tentatives pour la résoudre sans eux sont restées vaines. MM. Di Nicola et Orlando, appelés d’abord par le Roi, n’ont pas réussi à constituer un Cabinet. M. Giolitti, qui était l’objet d’un veto du groupe qu’inspire don Sturzo, n’a pas réussi à franchir l’obstacle. M. Bonomi, qui s’était retiré sans qu’aucun vote l’y contraignît, revint, sur l’invitation du Roi, devant la Chambre ; il y recueillit des marques de sympathie personnelles, mais, au vote, il eut 107 voix contre 295 et donna une démission cette fois irrévocable.

Après des tractations très compliquées, un cabinet de coalition a pu être constitué. Son chef, M. Facta, de Pignerol, est un parlementaire éprouvé, lieutenant fidèle, bras droit de M. Giolitti. Les démocrates ont huit portefeuilles, dont deux à des amis de M. Nitti. Les petits groupes réformiste, agrarien, libéral ont chacun un ministre. L’agrarien, prince di Scalea, est au département de la guerre, en