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souvenir de Cincinnatus. Les populaires reviennent, comme ils étaient partis, avec trois portefeuilles ; ils perdent celui de la Justice et des Cultes, mais ils gagnent l’Instruction publique auquel ils tenaient beaucoup ; ils ont l’Agriculture et les Finances. Les Affaires étrangères échoient à M. Schanzer, sénateur, ami de M. Giolitti, qui appartient à une famille israélite originaire de l’Europe centrale, transplantée à Trieste et italianisée. Il a fondé sa réputation de politique expert aux problèmes financiers et commerciaux à la Conférence de Washington où il représentait l’Italie ; il s’y est taillé un succès, en partie aux dépens de nos représentants, dont on ne peut lui reprocher d’avoir exploité les imprudences mais dont il ne parait guère s’être fait scrupule de noircir les intentions. Il a conclu avec M. Hoover un accord, commercial, dont ses amis font grand état, par lequel l’Italie serait chargée du soin exclusif de vendre en Orient, et particulièrement dans la Mer Noire, c’est-à-dire aux Bolchévistes, les produits bruts, semi-travaillés ou travaillés de provenance américaine. La politique de M. Schanzer sera sans doute surtout économique ; il parait, à ce point de vue, l’homme du moment. Lorsqu’il est passé par Paris, débarquant du Transatlantique pour se rendre à Rome, M. Poincaré a eu avec lui un entretien dont les deux interlocuteurs déclarent avoir gardé une très favorable impression.

A peine le ministère Facta était-il constitué qu’on s’est demandé s’il n’allait pas se disloquer à propos de la désignation des sous-secrétaires d’État ; un ministre, M. di Cesaro, donna sa démission et fut remplacé par un député du même parti, M. Fulci, neveu de M. Sonnino. Les Giolittiens reprochent aux populaires de prendre leur mot d’ordre au Vatican et d’obéir à un prêtre, don Sturzo ; l’Osservatore romano a publié un article d’où il résulte que M. Giolitti aurait, durant la crise, offert un marché au cardinal secrétaire d’État ; celui-ci aurait obtenu que les populaires levassent « l’exclusive » qu’ils ont prononcée contre M. Giolitti, moyennant quoi celui-ci aurait rapporté le décret ordonnant la transformation des titres au porteur en nominatifs qui, paraît-il, gêne le Vatican et les congrégations religieuses. La Tribuna démentit, mais l’Epoca, organe de M. Nitti, confirma. Les Giolittiens infèrent de cet incident, et d’autres de même nature, que M. Nitti prépare sous son égide la réconciliation, et bientôt la collaboration des populaires et des socialistes dans un Cabinet que lui-même présiderait. Ces polémiques n’ont pas consolidé le ministère naissant, et l’on se demande si M. Facta aura