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princesses royales, les concubines en palanquins, puis des danseuses et des chanteuses pêle-mêle dans d’innombrables charrettes à bœufs. Enfin, fermant le cortège, cinquante éléphants énormes surmontés de palanquins qui doublent leur taille ; par leur forme massive et leur sombre couleur, ils paraissaient le plus en harmonie, dans tout ce cortège bigarré, avec ce cadre de pierres usées et grises.

Le cortège a défilé pendant une heure à l’allure lente des bœufs, nous laissant éblouis de cette prodigalité asiatique de personnages, de couleurs et de formes.

Lorsqu’il fut terminé, le Roi et ses ministres se firent conduire auprès du temple d’où le Maréchal assistait à ce spectacle étonnant : celui-ci vint le saluer et le remercier ; alors, comme signe suprême d’hommage et d’amitié, sur un ordre de son royal ami, Marsi, la favorite frêle et parée d’invraisemblables bijoux, descendit de la chasse où on la portait, et vint s’incliner et tendre sa main fragile au Maréchal.

Ce soir, sur la terrasse du Bengalow, en face du temple qui silhouette ses tours, on causait : il y avait là autour du Maréchal, lord Northcliffe, depuis quelques jours en Indo-Chine, le Gouverneur général, M. Long, MM. Finot, directeur de l’École française d’Extrême-Orient, Batteur, conservateur d’Angkor, Baudoin, résident supérieur en Cochinchine, André Tudesq envoyé en mission par le Journal en Extrême-Orient.

Quelqu’un rappelle le souvenir d’un autre pèlerin d’Angkor venu ici au temps du roi Norodom. Alors, lord Northcliffe : « Il a eu tort d’écrire que votre Empire d’Indo-Chine manquerait de grandeur et de stabilité : je viens de beaucoup voyager, j’ai visité des colonies anglaises, hollandaises et américaines et nulle part je n’ai rencontré rien de comparable à l’œuvre de la France accomplie ici depuis soixante ans seulement. »


20 décembre.
À bord du Montcalm. Dans le Golfe de Siam.

Nous avons quitté Angkor hier matin en auto. Nous sommes venus coucher à Hatien. Ce matin nous avons réembarqué sur le Montcalm pour la traversée du Golfe de Siam. Nous serons demain matin vers dix heures aux bouches de la Ménam où un vaisseau siamois viendra prendre le Maréchal pour passer la barre et le conduire à Bangkok.