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l’appui de votre thèse une pauvre recrue marche sur vos traces... et s’essaye à mettre une plume de fer sur son casque d’acier. C’est sur le .compte de ces deux bons sentiments, l’amitié et l’amour du drapeau, que je dois mettre votre trop grande bienveillance. Mais je sais qu’indulgence oblige, que je dois m’appliquer sans retard à mériter ces éloges prématurés. Et tenez, ce soir même votre article m’a fait l’effet d’un salutaire coup de fouet. J’étais engagé à aller voir La belle Hélène : au lieu de voir jouer Dupuis, j’ai joué moi-même les jeunes Scipions en rentrant incontinent, — (c’est conciliable) — pour allumer ma lampe et piocher un travail que j’ai sur le chantier. Je veux creuser mon sillon assez profond pour que les nouvelles couches qui sont en train de nous prendre nos champs, s’arrêtent du moins avec respect en y trouvant les grands ossements dont parle le vieux Virgile. Je vous quitte donc, mon cher Maître, pour me remettre à la poursuite de ces enragées d’idées qui volent toujours plus haut en ne nous laissant que quelques plumes aux doigts : exercice éreintant, mais d’une saine et délicieuse fatigue, la meilleure de toutes celles que j’ai essayées, — et le diable sait s’il y en a ! J’irai vous remercier mieux aux Angles dans quelque temps, quand il n’y aura plus de soleil ici et qu’il faudra aller en chercher chez vous. Amitiés à Henri en attendant, et pour vous, cher Maitre, sentiments de reconnaissance et de respectueuse affection.

Votre tout dévoué.


N.-B. Je voudrais avoir la place de vous raconter un dîner que j’ai fait hier chez Baudry avec cet endiablé d’About ; ç’a été un feu d’artifice incessant, mais on a peur tout le temps que les baguettes vous retombent sur la tête ; et on sent la poudre de mine : décidément, ce n’est pas là encore le vrai esprit français. Du reste, à part la pose continuelle d’About pour le roi Voltaire, c’était une soirée charmante : nous dînions dans l’atelier de ce grand et excellent maître qui a le tort de n’être pas mort au milieu de ses reproductions de la Sixtine commentées par quelques peintres di primo cartello ; et Reyer nous jouait une partition exquise d’un opéra inédit.

Encore une nouvelle qui vous rajeunira : il y a un étudiant de Toulouse âgé de vingt-deux ans et d’un drame en vers en cinq actes qui a pris le coche sur la place du Capitole, a débarqué