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et du Tonkin l’acclamant ou défilant gaiement devant lui ; la multitude des touchantes adresses qu’il a reçues : tout cela, répété à l’infini sous le ciel implacable de Cochinchine ou du Cambodge, aussi bien que sous ceux plus cléments de l’Annam et du Tonkin, donne à ce voyage de trois semaines un aspect triomphal.

Sans doute, ces manifestations avaient pour but de fêter le grand Soldat venu remercier l’Indo-Chine de son loyalisme pendant la guerre : mais, à considérer leur ampleur et leur spontanéité joyeuse, on sentait profondément que les indigènes avaient saisi avec bonheur cette occasion nouvelle de célébrer la Victoire et de prouver combien leur sort personnel leur avait paru dépendre de celui des combats livrés en Europe.

Nous venons ainsi de recueillir une preuve éclatante des progrès de notre œuvre d’association poursuivie en Indo-Chine. Mais, par un contre-coup heureux, ces fêtes ont certainement contribué encore à affermir cette politique généreuse. On peut dire, en effet, qu’il n’est pas aujourd’hui un seul indigène, si reculé soit-il, si défendu contre toute influence par la brousse et la distance, qui n’ait entendu leur écho dans sa solitude : le nom de Joffre vole sur tout cet immense pays. Ceux qui ont pu le voir ont été sans doute saisis de son aspect : il est vieux et ils respectent l’âge, comme un signe de sagesse ; il est grand, robuste et fort, et ils respectent la force et la puissance physiques. Et voilà qu’une légende se crée déjà dans leurs âmes naïves et superstitieuses : « Le Génie de la guerre est venu nous voir, disent-ils, il est venu de cette France lointaine qui nous apporte l’instruction, le progrès et la richesse. »

Qu’on mesure dès lors l’importance de cette visite en songeant que notre action dans cette Indo-Chine lointaine est tout entière fondée sur la seule puissance de notre prestige, puisque, appuyée seulement par un nombre dérisoire de baïonnettes, quelques milliers de Français poursuivent la plus belle et la plus généreuse des tâches dans cette France d’Asie qui donne dès maintenant l’image d’un royaume de paix.


André d’Arçais.

(À suivre.)