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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 8.djvu/743

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UN JARDIN SUR L’ORONTE.

XI

C’est dans l’amour heureux que notre âme respire. Elle s’y vient recharger d’allégresse et de chant. Préférer quelque autre à soi-même, s’élancer avec respect derrière un gibier divin pour lui faire son bonheur, lancer au ciel des louanges et des remerciements, quelle trêve dans nos misères, quelle brèche dans nos brouillards, quelle révélation peut-être sur l’après-vie !

À cette euphorie de l’amour, à cette plénitude que mettait dans son âme et son corps la confiance d’être aimé par celle qu’il aime, succède chez Guillaume un vide affreux. Toute la force physique et spirituelle que lui donnait son amour s’écoule massivement, en une seconde, comme d’une outre crevée par un coup de poignard. Et d’épuisement le malheureux s’endort sur le gazon.

Agité par les rêves et le chagrin, il se retournait fiévreusement sur cette terre ingrate, quand, sous la nuit qui commençait, il crut entendre murmurer son nom, et peu à peu, le sentiment lui revenant, il distingua une figure penchée sur lui et la douce chaleur d’une jeune bouche qui lui parlait d’une voix basse, avec une tendre amitié. Il reconnut Isabelle. Et tout de suite, s’attachant à elle avec un furieux désespoir :

— Pourquoi vient-elle de me renier ? Est-il possible ! Est-ce là son accueil !

ISABELLE.

Elle m’envoie près de vous.

GUILLAUME.

Elle m’a fui.

ISABELLE

Elle a eu peur.

GUILLAUME.

De moi ! Qu’imagine-t-elle avoir à craindre de son ami ?

ISABELLE.

Elle a été surprise par un retour inattendu.