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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/119

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ses Touaregs ne sont point là pour lui rendre hommage, c’est parce que la reconnaissance a été retardée de plus d’un mois, et les hommes ont dû regagner leurs douars et leurs pâturages, sous peine de mourir de faim, eux et leurs animaux. Mais Moussa se porte garant de la joie et du bonheur de tous ceux qui l’entourent. Ne se sont-ils pas précipités tout à l’heure à la rencontre du général ? Depuis plusieurs heures, n’ont-ils pas adressé, sur le terrain d’atterrissage où leur impatience les avait, dès le matin, rassemblés, des prières ferventes au ciel « pour qu’il n’arrive rien aux oiseaux venus de France ? » Oui ! tous les assistants peuvent juger de la profondeur et de la sincérité de l’affection que les Touaregs portent au général Laperrine.

Le 15 février, les réjouissances commencent. « Ce ne fut que fêtes sur fêtes. Aux courses de méharis succèdent les combats au sabre et la danse du bâton. Chacun rivalise d’entrain, d’adresse et d’émulation en l’honneur du général. Lui-même se met au diapason ; il se surpasse. Les officiers qui ont vécu avec lui ces journées en gardent le souvenir délicieux et troublant. Délicieux, car ce causeur incomparable varie les thèmes à plaisir. Il dit son bonheur de poursuivre sa route jusqu’à Tombouctou. « Ceci pour détruire la fâcheuse légende, qui a couru, qu’il avait été contraint à prendre part à l’expédition. » Délicieux, tant son érudition et sa documentation se font attrayantes. Troublant enfin, parce qu’au repas du soir, il s’est penché vers ses hôtes et leur a dit d’une voix quelque peu grave et assourdie : « J’ai appris avant de quitter Alger la mort d’un de mes parents dans l’accident de l’Afrique qui a sombré au large de l’ile d’Oloron ; d’ailleurs, tous les Laperrine meurent de mort violente. » « Nous n’y prîmes pas garde à ce moment, ajoute le commandant Rolland, qui nous raconte par lettre cette anecdote ; mais depuis, ce propos nous parut prophétique. »

L’heure approche où les aviateurs se sépareront. Le commandant Vuillemin est arrivé le 16 février à 12 à 30. Le commandant Rolland, le 17 février au matin, ramène vers Alger ce qui reste de l’escadrille. Voilà livrés à leurs seules ressources les deux appareils qui prétendent achever le raid en beauté et qui doivent prendre leur vol le 18 février. Que la première étape s’achève joyeusement à la fois et solennellement ! On ordonne une prise d’armes. La petite garnison s’aligne et les Touaregs se groupent. Aux champs ! Le général, qui a déjà