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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/118

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ceux auxquels il est chargé d’attribuer des décorations. N’ont-ils pas été, à quelque titre que ce soit, les confidents de ses desseins et les collaborateurs de son œuvre saharienne ? Il revit par la pensée les grandes heures qu’il a vécues à In-Salah, quand tous se penchaient, angoisses, vers les lendemains troubles, et que, de son regard clair, il reconquérait l’âme de Moussa ag Amastane et des chefs du Hoggar chancelants. Il ne pense plus aujourd’hui qu’à quitter In-Salah au plus vite pour aller retrouver ses Hoggars raffermis et Moussa l’inébranlable.

Mais le Sahara semble aujourd’hui, 10 février, en délicatesse avec lui. Un terrible vent d’Est se déchaine ; le batem est enveloppé d’un brouillard de sable. L’avion attardé à Inifel, pour avoir voulu affronter la tempête, a été précipité contre terre et gît, oiseau désormais inutile, l’aile brisée. L’ouragan redouble ; qu’est devenu le commandant Vuillemin qui, malgré la furie des éléments, a pris son vol ? Le général Laperrine prépare un radio pour alerter tous les postes de la Saoura, quand, à 15 à 30, le commandant Vuillemin pénètre dans le poste ; il a cassé son hélice ; son exténuement est tel qu’il a failli s’évanouir. Combien de temps ce vent de sable tourbillonnera-t-il ? Le capitaine Depommier, qui vit depuis dix ans à In-Salah, craint que ce déchaînement ne dure trois jours.

C’est en effet le 14 seulement que les avions s’élèvent au-dessus du sable qui a recouvert la piste. Mais la carte est exacte. L’escadrille atterrit à Arak à 9 à 30 et en repart trois heures plus tard. Des massifs rocheux émergent brusquement du sable doré. « Tout ce qui n’est pas roche noire est sable jaune ; on dirait une mer jaune avec des îles, puis, dans le Hoggar, une côte très élevée avec des fiords, les Oueds. » La Koudiat du Hoggar entasse son chaos de rochers sombres et se hérisse de pitons pointus. Les trois avions qui composent à ce moment l’escadrille se posent sur le terrain de Tamanrasset à 16 à 30.


ON ABORDE A TAMANRASSET

Tamanrasset ! Moussa ag Amastane et une cinquantaine de Touaregs ont suivi des yeux, avec une émotion profonde et un étonnement émerveillé, les évolutions des avions. Quand le général s’approche de Moussa, les visages détendus s’épanouissent. Moussa conte à son grand protecteur et ami que si tous