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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/142

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tion purement formelle. C’est une théorie physique, une théorie du monde extérieur, une théorie des phénomènes, des événements de l’Univers. Il a dit ceci en propres termes : « Beaucoup de mathématiciens ne comprennent pas la théorie de la Relativité bien qu’ils en saisissent les développements analytiques. Ils ont le tort de n’y voir que des relations formelles et de ne pas méditer sur les réalités physiques auxquelles correspondent les symboles mathématiques employés. »

Voici un exemple qui va, je pense, nous permettre d’illustrer cette conception. Un homme qui aurait appris les mathématiques, mais pas autre chose, et qui resterait toute sa vie enfermé dans une chambre close serait parfaitement capable de lire et de comprendre l’enchaînement des formules d’un Traité de mécanique céleste. Mais il ne comprendrait néanmoins rien à la mécanique céleste, car il ne saurait pas que ces formules s’appliquent aux mouvements relatifs réels d’objets extérieurs réels qu’on appelle des astres. C’est, — proportion et révérence gardées, — un peu à cet homme qu’Einstein aurait tendance à comparer certains qui ont critiqué ses théories sans en approfondir suffisamment, selon lui, le contenu physique.

Or, le contenu physique, base de toute la théorie de Relativité, c’est l’existence et l’invariance d’une quantité mesurable avec des règles et des horloges, quantité qu’on appelle l’« intervalle » des choses et qui n’est ni leur distance dans le temps, ni leur distance dans l’espace, mais, — mes lecteurs s’en souviennent, — une sorte de conglomérat de l’espace et du temps.

C’est sur la croyance à l’existence réelle de cette donnée physique qu’est fondée toute la synthèse d’Einstein. Si cette donnée n’existe pas, — et ceci est justiciable de l’expérience et des instruments dont le physicien dispose, — toute la théorie n’est plus qu’un jeu de formules mathématiques et s’évanouit. Mais Einstein paraît assez tranquille à cet égard et il faut reconnaître que sa tranquillité est étayée par de solides appuis. Ce sont, — en dehors de toutes les vérifications de la mécanique classique qui vérifient également la mécanique einsteinienne, — ce sont les admirables vérifications expérimentales des découvertes physiques (déviation de la lumière par la pesanteur, explication de l’anomalie de la planète Mercure) auxquelles a conduit la théorie nouvelle.

Tandis qu’il parlait de ces choses, les hésitations verbales