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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/143

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EINSTEIN EXPOSE ET DISCUTE SA THÉORIE.

d’Einstein, sa connaissance imparfaite de notre langue, lui ont inspiré d’ailleurs quelques néologismes savoureux. Mais lorsque, faisant allusion à la mécanique classique, qui diffère autant de la sienne que l’immobile chrysalide du papillon rapide, Einstein parla de l’« antique mécanique » je me suis demandé si l’impropriété du qualificatif ne cachait pas un peu d’ironie voulue.

Ce n’est pas seulement la Relativité restreinte qui est fondée sur la nécessité de résoudre des problèmes posés par l’expérience ; c’est aussi la Relativité généralisée, cet admirable couronnement de la théorie. En particulier, presque toute la synthèse a été déclenchée par le fait suivant que la science classique avait constaté mais qu’elle n’expliquait pas, n’y voyant avec Newton qu’une simple coïncidence : les nombres qui expriment les poids des divers corps (c’est-à-dire leur réaction à la gravitation) sont identiques à ceux qui expriment leur inertie (c’est-à-dire leur réaction à un déplacement mécanique quelconque). Quand on rencontre dans la nature des identités de ce genre, des faits aussi singuliers, il est naturel de chercher à les élucider autrement que par une bien invraisemblable et fortuite coïncidence. C’est pourtant à quoi s’était résigné Newton. C’est à quoi ne s’est pas résigné Einstein, et son étonnante pénétration a trouvé la solution de l’énigme dans la théorie de la Relativité généralisée, qui réunit en une synthèse grandiose et unique ces domaines entre lesquels la science classique maintenait une injustifiable barrière : la gravitation et la mécanique. Les faits, toujours les faits sont à la base de la doctrine einsteinienne.

C’est encore en méditant plus profondément qu’on n’avait fait avant lui sur les réalités sensibles, sur les fondements expérimentaux de la géométrie qu’Einstein est arrivé à la conclusion que le monde où nous vivons n’est qu’à peu près conforme à la géométrie euclidienne. Cette conclusion s’est trouvée vérifiée encore par des faits : déviation des rayons lumineux par la pesanteur, etc. J’ai expliqué déjà ces choses, et n’en veux retenir que ceci : la théorie de la Relativité part de réalités sensibles pour aboutir à d’autres réalités sensibles. La mathématique, si grande qu’y soient son importance de mode incomparable d’expression et sa rigueur syllogistique, n’y joue qu’un rôle analogue à celui des courroies de transmission dans les