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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/145

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EINSTEIN EXPOSE ET DISCUTE SA THÉORIE.

démonstration si simple de ce fait que je m’en voudrais de ne pas la rapporter ici.

On sait que la lumière joue un rôle fondamental dans le réglage des chronomètres et la définition même du temps ; que la durée de la seconde ne saurait être mieux définie que par le temps nécessaire à la lumière pour parcourir 300 000 kilomètres, et que c’est la lumière ou l’électricité (dont la vitesse est égale), qui sont les agents pratiques de synchronisation des horloges. Supposons donc que l’unité de temps soit définie par le temps, mis par un rayon lumineux à parcourir, aller et retour, la distance de deux miroirs parallèles entre lesquels le rayon est réfléchi normalement. Cet aller et retour du rayon situé entre les deux miroirs est le type des phénomènes périodiques par lesquels on subdivise le temps ; il définira par exemple le trois-cent-millionième de seconde, si la distance des deux miroirs est cinquante centimètres. Telle sera la valeur de la durée considérée pour un observateur lié aux deux miroirs.

Supposons maintenant que le système portant les deux miroirs passe devant moi à une très grande vitesse, emporté par une translation rapide parallèle aux miroirs. Moi qui le vois passer, je remarque que le rayon lumineux, qui part du centre du premier miroir, doit pour parvenir au centre du second, puis de là revenir au centre du premier, parcourir un trajet légèrement incliné dans le sens de la translation et non pas normal aux miroirs. Il s’ensuit que ce trajet, qui définit, l’unité de temps pour l’observateur lié aux miroirs, définit pour moi immobile un temps plus long que ma propre unité. En un mot, je vois que la durée d’une seconde, pour l’observateur lié aux miroirs, est plus grande que pour moi. Autrement dit, les durées des phénomènes, les battements des horloges, comme tous les gestes faits sur un véhicule en mouvement très rapide, apparaîtront ralentis et par conséquent prolongés à un observateur en mouvement, et réciproquement. C. Q. F. D.

Au cours de ses explications, Einstein est amené à préciser que si la contraction apparente des objets par la vitesse est déduite directement de l’expérience de Michelson par la théorie, le ralentissement apparent des temps ne découle de cette expérience qu’indirectement. Des expériences permettront peut-être quelque jour de le déduire de l’observation des rayons-canaux ou de celle des éclipses des satellites de Jupiter ;