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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/144

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machines-outils. Ainsi jamais Einstein n’a cessé de se river étroitement au réel, au donné. Mieux que Newton lui-même il applique le « hypotheses non fingo. »

La théorie de la Relativité est la plus profonde et la plus heureuse des tentatives qui aient été faites par l’esprit humain pour bannir de la science ce qui n’est pas mesurable, pour chasser de la physique ce qui est métaphysique.

Telle est l’impression essentielle que nous laissa Einstein le 31 mars lorsque, ayant achevé par quelques considérations cosmologiques, — sur lesquelles je reviendrai, — cet exposé pénétrant et nu, dont la seule éloquence jaillissait des faits et de la raison, le grand physicien se leva au milieu des applaudissements.

La première séance de discussion a eu lieu le 3 avril dans l’amphithéâtre de physique du Collège de France qui est encore plus exigu que le « grand » amphithéâtre où Einstein avait parlé le vendredi précédent. L’assistance était composée presque exclusivement de savants, de philosophes, d’hommes d’étude, au premier rang desquels le docteur Roux, sa pâle figure d’ascète coiffée de sa petite calotte traditionnelle, M. Bergson, Mme Curie et un grand nombre de membres de l’Académie des Sciences.

La séance sera consacrée exclusivement aux questions que soulève la Relativité restreinte. Einstein est assis à côté de M. Langevin devant une petite table, sur un des côtés du gigantesque tableau noir où se marquera tout à l’heure l’ardeur dialectique des partenaires.

Il est d’abord question de l’expérience de Michelson. Mes lecteurs n’ont pas oublié que, d’après la théorie de la Relativité restreinte, la longueur d’un objet donné et le temps qui sépare deux événements sont caractérisés par des quantités qui varient selon la vitesse et qui sont telles que les longueurs et les durées (exprimées en secondes) sont plus brèves pour un observateur donné lorsque les objets considérés se déplacent très vite par rapport à l’observateur. En ce qui concerne les longueurs, j’en ai donné ici même une démonstration élémentaire. Pour ce qui concerne les durées, on peut en réaliser une analogue ; mais Einstein a indiqué au cours de la présente discussion une autre