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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/210

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ne fut pas moins remarquable les jours suivants, dans les séances de commission : les Allemands ne sortaient d’une réserve modeste, j’allais dire humble, que pour opposer à l’argumentation trop générale des Alliés quelque donnée de fait, quelque information statistique, aisément choisie dans le trésor d’une documentation admirable ; les Russes s’insurgeaient à tout propos, sans rien entendre, et parfois avant d’avoir rien compris.

Est-ce cette intransigeance qui amena M. Lloyd George à instituer, dans sa villa, une conférence préparatoire, purement privée, unformal, comme disent les Anglais, au cours de laquelle Français, Anglais, Italiens et Belges tenteraient de se mettre d’accord avec les délégués de Moscou sur les propositions formulées par les experts de Londres ? Déjà par deux fois, les Russes, prétextant l’ignorance où ils étaient, avant de venir à Gênes, touchant les conclusions des experts alliés, avaient demandé et obtenu qu’on retardât d’un jour la séance de la première sous-commission. Le matin du vendredi saint, Tchitchérine, Litvinoff et Krassine se rencontraient, à la villa De Albertis, avec les chefs des délégations alliées. À midi, la discussion n’était pas fort avancée : M. Lloyd George retint ses hôtes à déjeuner, MM. Barthou, Schanzer et Jaspar déclinèrent l’invitation ; les bolchévistes l’acceptèrent et partagèrent le repas du Premier anglais et de sa famille.

L’émotion fut considérable à Gênes, lorsqu’on connut le lunch du vendredi saint. Parmi les journalistes anglais quelques-uns tentaient d’excuser M. Lloyd George, s’appuyant sur le propos qu’on lui prêtait : « Je veux savoir ce que ces gens-là ont dans le ventre ! » la plupart étaient aussi scandalisés, et aussi sceptiques que nous l’étions nous-mêmes. Une heure et demie pour ouvrir le ventre à trois Orientaux, c’était vraiment fort peu. Le vendredi soir, la discussion n’ayant donné aucun résultat, on décidait d’y associer les experts. Le samedi soir, les délégués russes firent connaître leur réponse : aux revendications des Alliés, ils opposaient les leurs. Après avoir provoqué nous-mêmes la révolution en Russie, nous avions essayé de la combattre en suscitant contre le Gouvernement des Soviets des expéditions réactionnaires. Nous étions responsables des dommages causés à la Russie par Koltchak, par Youdénitch, par Denikine. Tous comptes faits, notre debet