Par sa mère il descend d’une vieille famille parlementaire bourguignonne ultra royaliste et ultramontaine. Sa grand’mère, qui, morte assez jeune, a laissé le souvenir d’un esprit étincelant, était la fille du médecin et ami du duc d’Enghien. Son grand-père, M. Monthieu, avait accepté les fonctions de garde général des Forêts, parce que, dans les Forêts, on estimait ne point servir le Gouvernement. Il avait eu une jeunesse mondaine ; puis il s’était converti, au sens que les gens du XVIIe siècle donnaient souvent à ce mot, c’est-à-dire qu’il s’était retiré des plaisirs du monde dans une piété plus stricte. Il n’en avait conservé que l’amour de la chasse et du commandement. Il forçait les sangliers et dirigeait les pèlerinages. Il en mena jusqu’à Jérusalem. Il ne recevait que sa famille et, une fois par an, le clergé de la paroisse. La nuit, il se relevait pour prier et pour se donner la discipline. Ses moustaches ne commencèrent à blanchir que vers soixante-dix ans, et, quand il mourut à quatre-vingt-neuf ans, à peine quelques-uns de ses cheveux s’étaient-ils argentés. On l’ensevelit en costume de tertiaire, car, vers la fin de sa vie, il faisait partie du tiers-ordre. On trouva dans un de ses tiroirs des bas roses de sa jeunesse et des cilices.
Ce fut à cet aïeul, dur pour lui-même, dur pour les autres, et qui inspirait à tous le plus grand respect, que l’enfant fut confié ; ce fut sous ses yeux qu’il fit son éducation. Le régime était inflexible ; debout à cinq heures ; tenu d’obtenir au collège des Jésuites, qui venait de s’ouvrir à Dijon, des places de premier, ou tout au moins de second ; jamais une manifestation de tendresse, et des encouragements dans le genre de. celui qu’il reçut le matin de son baccalauréat : « Je n’ai jamais été refusé à aucun examen ; j’espère que tu en feras autant. » Une pareille éducation fortifie la trempe d’un caractère. Les faibles pourraient en garder la courbature ; les natures généreuses y contractent la maîtrise de leurs sentiments et l’habitude de la volonté. J’ai remarqué que ceux qui ont été élevés ainsi, à mesure qu’ils avancent dans la vie, parlent plus complaisamment de leurs éducateurs. S’ils se sont insurgés contre eux, leur souvenir, que ces réactions passées ont dépouillé de toute amertume, ressemble souvent à de l’admiration. Une rigueur, même excessive, mais toujours égale et jamais injuste, éveille et entretient dans l’âme qui a dû s’y soumettre une sorte de fierté aristocratique dont elle prendra conscience un jour. Nous n’en