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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/392

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utilise-t-on pas selon nos moyens et notre caractère ? J’ai la conviction qu’avec notre armée nous pourrions jouer en Asie un rôle utile à l’Europe. Nous avons tout ce qu’il faut pour servir de barrière contre l’invasion russe, et pour constituer une forte position de flanc, sur laquelle viendraient se briser les attaques dirigées contre la Mésopotamie et les Indes. »

Le jour où le maréchal Izzet et Salih pacha rentrèrent dans le cabinet Tevfik, pour y prendre les portefeuilles des Affaires étrangères et de la Marine (12 juin 1921), ce cabinet apparut vraiment comme le seul capable de réaliser l’union entre Angora et Constantinople. L’union une fois faite, on pouvait espérer qu’une intervention énergique des Alliés mettrait aisément d’accord les Grecs et les Turcs, qui, à ce moment, ne témoignaient, ni les uns ni les autres, d’une grande ardeur guerrière. Mais il fallait encore compter avec ce parti anglais qui, à Londres et à Constantinople, s’employait à prolonger la lutte et à rendre toute médiation impossible. Son action se manifestait, d’un côté par le concours apporté aux Grecs en vue d’une nouvelle offensive, de l’autre par les intrigues ourdies contre le ministère Tevfik pacha.

Durant cette période difficile, la politique française et la politique italienne se trouvèrent heureusement d’accord pour recommander les mesures les plus raisonnables et pour écarter les solutions extrêmes et violentes, auxquelles plusieurs Anglais importants paraissaient enclins. Cette communauté de vues s’était affirmée à Londres, par les deux accords parallèles de mars 1921 ; elle était demeurée entière, le jour où l’Assemblée d’Angora avait refusé de ratifier les engagements pris en son nom par Békir Sami Bey à l’égard de la France et de l’Italie. Le programme italien, très nettement défini par M. Giolitti, envisageait en Orient une action « essentiellement économique, » et excluait, par conséquent, les ambitions territoriales et les interventions militaires. Ce qui importait à l’Italie, c’était de développer les avantages que lui avait attribués l’accord tripartite, quitte à s’en faire reconnaître d’autres, d’une valeur équivalente, si la forme de ce fameux accord soulevait de trop graves objections.

Dès l’armistice, l’Italie s’était mise à la besogne. De Constantinople, où ils se succédaient sans relâche, ses bateaux de commerce circulaient entre les échelles de la mer Egée et les