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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/400

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phénomène qui s’étend à une grande partie de l’Asie : le nationalisme agit en Géorgie, en Perse, en Afghanistan, aux Indes. La question d’Orient est vraiment devenue mondiale, non seulement parce qu’elle intéresse désormais les grandes Puissances de toutes les parties du monde, mais parce que les nations orientales elles-mêmes ont pris conscience du problème et ont reconnu qu’elles étaient les premières, les plus directement « intéressées » à sa solution.

A l’intérieur même de l’Empire ottoman, l’esprit national s’affirme chaque jour davantage et exige des satisfactions et des garanties qu’il est impossible de lui refuser. Ce n’est pas au moment où les grandes Puissances du monde viennent de reconnaître aux Syriens, aux Arméniens, aux Juifs, aux Arabes, aux Égyptiens le bénéfice « du droit des peuples, » qu’elles pourraient sans danger et sans injustice le refuser aux Turcs. Le devoir des Étals civilisés est d’accorder à tous ce droit essentiel, nécessaire, de libre disposition et de pleine autonomie, mais d’en modérer provisoirement l’exercice par des mesures qui suppléeront à une éducation politique insuffisante et contraindront la force des uns à respecter le droit des autres.

Le réveil de l’esprit national chez les peuples de l’Orient semble un des événements primordiaux de l’histoire du monde, en ces dernières années ; et il n’apparaît point, jusqu’à présent, que les Gouvernements de l’Occident en aient eu assez clairement conscience pour accommoder leurs systèmes et leurs actions à l’état de choses nouveau qui en est résulté. Une seule politique fait exception : celle du Saint-Siège. Dès la fin de 1912, Rome aperçoit les changements survenus en Orient, et, avec cette merveilleuse faculté d’adaptation qui lui assure l’éternité, elle s’est empressée d’en tenir compte. Finie, la propagande « latine » parmi les chrétiens orientaux : ce n’est pas le latinisme qu’il importe de répandre, c’est le catholicisme. Qu’on s’applique donc à développer ces chrétientés unies, mais cependant distinctes ; qu’on respecte en elles les traditions locales, les rites spéciaux, la langue liturgique, en un mot tout ce qui symbolise et garantit l’union entre l’esprit religieux et l’esprit national. Si les missionnaires occidentaux continuent à favoriser la tradition latine, on modérera leur zèle ; au besoin, on les remplacera par des religieux et par des prêtres appartenant aux rites orientaux unis. Pour que le Saint-Siège conçût et