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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/401

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commençât d’appliquer cette grande réforme, il n’a pas fallu trois ans.

Dans le même temps, on voyait Benoît XV se préoccuper des relations entre le christianisme et l’Islam, étendre aux Turcs les effets de sa charité, reconnaître enfin dans ces « infidèles » des hommes et des croyants. Le 11 décembre dernier, le peuple de Constantinople assistait à ce spectacle nouveau : le prince héritier de Turquie, représentant le Sultan Calife, entouré des membres de la famille impériale et des ministres, assisté du Grand Rabbin et des patriarches grecs et arméniens, inaugurait sur une des places de la capitale un monument élevé à la gloire du Pape romain. Sur le socle de la statue, cette inscription était gravée : « Au grand Pontife, qui régna à une heure tragique du monde, à Benoit XV, bienfaiteur des peuples, sans distinction de nationalité et de religion, l’Orient. »

Il est permis de souhaiter qu’une telle leçon soit entendue par ceux à qui il appartient de régler le sort de tant de peuples, et de rétablir enfin dans le monde oriental l’équilibre, l’ordre et la paix. L’homme qui vient de succéder à Benoît XV dans la chaire de Saint Pierre a acquis, au cours de sa carrière d’érudit et de diplomate, une connaissance trop singulière des peuples orientaux, de leur histoire, de leur civilisation, de leurs traditions religieuses et nationales, pour qu’on puisse négliger de recueillir ses suggestions et de méditer ses avis. Ce ne serait pas la première fois qu’au sortir d’une crise grave et prolongée, la vieille chrétienté, déconcertée par le choc violent de volontés adverses et par la mêlée furieuse d’intérêts opposés, aurait levé les yeux, comme pour invoquer une inspiration calme et sereine, vers le représentant de Celui qui a dit : « Attachez-vous, non à ce qui divise, mais à ce qui unit. »


MAURICE PERNOT.