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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/403

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pas... » Mais on devine qu’il ondule à tous les balcons et fait le clown sur les toits, hurle des « hou ! hou ! » très moqueurs dans les vieilles cheminées ; les fantômes sont pourchassés, les rêveries déchiquetées, les espoirs filent comme des cerfs-volants sans ficelles ; les tristesses momentanément s’envolent... L’âme est vide et sonore comme le ciel, d’où les nuages houspillés décampent à qui mieux mieux.

L’atmosphère toute claire, toute froide, toute réconfortante est pure. Grand vent d’avril ! vent qui a passé sur la mer, sur les forêts travaillées de sève, sur les terres qui germent et sur les eaux des rivières où s’est déjà miré le printemps, ô bourrasque, ô tempête, ô cher ouragan ! quelle joie de tituber sous ton ivresse, de te respirer d’un visage hardi, de te remercier d’avoir pris cette peine de venir pour nous jusqu’à Paris, nous tourmenter et nous ravir, vent de l’océan et des campagnes dont j’ai la nostalgie, mais dont le plus souvent le citadin chétif a toujours l’effroi. Eh bien, oui ! arrache quelques volets, fais voler quelques ardoises, laisse choir négligemment sur le trottoir indigné le pot de fleur de Mimi Pinson, casse quelques branches et quelques nez, mais aère toutes les vieilles cervelles, turlupine les chapeaux ridicules, pousse sournoisement les hommes dignes de ce nom, afin qu’ils marchent de travers, dissipe les idées « arrêtées » et fais-les partir comme un vol de chauves-souris apeurées dans la netteté du jour neuf que tu nettoyas ; si tu le peux fais en autant de nos peines et laisse nous, après ton passage, tout frais, tout allégés, tout délivrés, n’ayant vraiment gardé de nous que l’essentiel.

Tu es roi : n’empêche donc pas ces femmes éperdues de se précipiter chez Rumpelmayer, par le tambour bombé et vitré dont tu contraries le mouvement ; songe qu’elles vont se lester de gâteaux, afin de résister mieux à ta force et à ta farce. Ne convoite pas non plus les chapeaux des modistes, si fiers d’être solides en leurs boutiques, sur des champignons de bois, bien à l’abri de tes malices, qu’ils en sont tous rouges de satisfaction, et se disent sans doute que tout est plus sûr que de couvrir une tête humaine ; ne force plus tous les colliers de marchands turcs à grelotter des chapelets en entrechoquant leurs grains frivoles ; permets que je passe le pont. Et, en revanche, si tu veux, enlève le cadran de l’horloge pour en faire un astre morose et force cet homme compassé à courir