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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/406

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dans des costumes amusants, charmants ou beaux que le peintre inventa pour eux avec une nouveauté sûre et hardie ; des portraits de quelques têtes illustres ; un grand tableau d’une ferveur d’aurore, une Annonciation dans un cloitre rose ; des illustrations, d’une fantaisie définitive dans son exactitude, pour quelques livres fameux et en particulier pour Molière ; des dessins de femmes laides et belles, et toujours si vivantes ; des scènes de bar et de café ; et des gens du temps passé aussi fortement dessinés, dans les tons plaisants à l’œil de leurs vêtements et de leurs modes, que si Dethomas les avait fait « poser » et « portraicturés » d’après nature.

Cette chaise à porteurs verte, vivement menée par des laquais aux belles basques et aux belles jambes, m’intrigue longuement ; on voit par la portière s’agiter un éventail jaune, et voilà tout ; mais cet éventail semble me faire signe... Et c’est peut-être une amie aimée, connue dans une existence antérieure et que j’aurais bien grand bonheur à revoir, que ces diables de laquais m’enlèvent au nez, et de si prompte et preste allure, que mon souvenir essoufflé ne peut plus les suivre.

Je ne m’en irai pas. sans regarder encore avec beaucoup d’émotion ce tableau gris qui n’est peut-être qu’un très grand fusain, mais si intense qu’il a l’importance de la toile et de la couleur : une maison vague et lointaine, des arbres sombres, le crépuscule ; un couple vu de dos revient vers le logis ; la femme est plus petite que l’homme dont la haute stature s’incline un peu et il passe son grand bras autour des épaules tendres et lassées ; on ne voit pas leurs visages, on ne sait pas si la femme est jeune ou vieille, la mère ou l’amante ; on ne sait même pas s’ils sont beaux ; mais on les regarde passer bien unis contre le soir triste ; et c’est toute la tendresse humaine.

Et comme Decœur, le maître céramiste, expose dans ces mêmes salles, en maintes vitrines, les vases les plus harmonieux, on a le désir de prendre et de soulever une de ses plus belles coupes, et d’y boire en l’honneur et à la santé du grand artiste qu’est Maxime Dethomas.


LA MODE

Oui, ma chère amie ; fais coudre des manches longues et larges à celles de tes robes qui n’en avaient plus et tu pourras