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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/450

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gens qui ne sont pas présidents d’une société d’actionnaires ! » Je ne sais si la concurrence est, comme on l’a écrit, une loi de la vie des espèces : le fait est qu’elle est ruineuse dans le monde des affaires. En particulier, une affaire de navigation ne saurait soutenir la concurrence désordonnée de cent petites entreprises, où les gros, on vient de le voir, risquent plus que les petits. La guerre de tarifs, dans les affaires de transport, aboutit à la catastrophe. Vers 1885, le prix d’entrepont, pour le passage aux Etats-Unis, était tombé à 30 shillings ; à ce taux-là plus moyen de vivre pour personne : force était d’en venir à un système d’ententes. C’est là peut-être l’idée la plus féconde de Ballin, et celle qui lui valut entre toutes sa haute situation dans le commerce international. Il inaugura d’abord avec quelques compagnies rivales ce partage connu des Anglais sous le nom de pool, c’est-à-dire un partage des affaires et des bénéfices selon des conventions définies. Au bout de vingt ans d’efforts, un pool général embrassait à peu près toutes les lignes de navigation qui circulaient, dans l’Atlantique, la Méditerranée et jusque dans les mers de Chine et du Japon. Un contact permanent entre les compagnies avait fini par remplacer des rivalités désastreuses. Des règles diverses étaient établies par catégories de transport, pour les voyageurs, les émigrants et pour les marchandises. Le siège central était Iéna. Ce fut le chef-d’œuvre de Ballin. « Il n’est de bon accord, disait-il, que celui où tout le monde croit faire une bonne affaire. » Ce marchand avait dans la tête de la diplomatie pour plusieurs chancelleries.

Enfin, à ce génie des vastes combinaisons, se joignait, comme chez tout vrai chef, le goût et le soin du détail. Rien ne lui échappait. De ses notes de voyage, à côté de remarques de tout ordre sur les hommes, l’industrie, les affaires, j’extrais les observations suivantes :


Naples, à bord du Kiautschou, le 10 janvier 1901. — Les vingt-cinq pieds supplémentaires ajoutés aux cales de ce navire, sont un grand progrès sur le Hamburg. En revanche, la décoration du salon est moins bonne : les boiseries sont mal faites et, comme elles sont blanches, elles sont d’un entretien coûteux. Il n’y a même pas de verrou aux armoires, de sorte que, pour empêcher les portes de battre, par temps de roulis, les garçons ont recouru à l’invention géniale d’une cuiller à thé glissée dessous..