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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/465

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l’instant d’un corps à l’autre ; car tout ce qui se transmet à travers l’espace nous paraît répondre successivement à ses différents points, mais l’ignorance où nous sommes doit nous rendre très retenus dans nos jugements, jusqu’à ce que l’expérience vienne nous éclairer. J’observerai cependant que, dans le cas même où elle semblerait donner une communication instantanée, on ne devrait pas se presser de conclure qu’elle a véritablement lieu dans la nature, car il y a infiniment loin d’une durée de propagation insensible à une durée absolument nulle. »

Là-dessus Laplace fait l’hypothèse que « la vitesse d’un corps doit le soustraire en partie à l’effort de la pesanteur, » et que la pesanteur n’agit pas de la même manière sur les corps en repos et en mouvement. Autrement dit, il suppose que la vitesse du corps attiré diminue la force attirante d’une quantité proportionnelle à cette quantité.

Dans ces conditions on trouve que, si la propagation de la force attirante n’est pas instantanée, il devrait y avoir dans les mouvements des planètes certaines inégalités qu’on n’observe pas. En tenant compte de la précision des observations, Laplace calcule ainsi finalement que la gravitation se propagerait avec une vitesse au moins 6 millions et demi de fois plus grande que celle de la lumière. La gravitation aurait donc dans ces conditions une vitesse supérieure à 1 900 milliards de kilomètres par seconde.

Mais divers auteurs, et notamment Henri Poincaré, ont remarqué depuis longtemps que l’hypothèse sur laquelle est fondé le calcul de Laplace, — à savoir que la vitesse de la gravitation doit se composer avec celle du corps gravitant, — est « assez mal justifiée. » En fait, si on considère par exemple deux corps chargés d’électricités contraires qui en conséquence s’attirent, et qui par surcroit sont en mouvement, on sait que leur influence, leur attraction électrique se propage dans le milieu intermédiaire exactement avec la même vitesse que la lumière. Or si on fait le calcul dans ces conditions, on trouve que cette attraction électrique ne dépend pas du mouvement du corps attirant, mais correspond à sa distance actuelle, comme si la propagation était instantanée.

Il s’en suit que les faits astronomiques sont parfaitement compatibles avec une action de la gravitation se propageant avec la vitesse de la lumière ainsi que la conçoit la théorie de la Relativité.

Bref, contrairement à ce qu’on croyait naguère, aucune observation astronomique ne conduit à admettre dans la nature l’existence d’une vitesse supérieure à celle de la lumière dans le vide, à