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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/475

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générales sur le Traité, sur les réparations. M. Poincaré s’abstint de paraître ; il déclina la convocation d’un Conseil suprême avant le 31 mai. M. Lloyd George défend sa politique et son autorité d’homme d’État dans des conditions extrêmement difficiles. Le succès de la Conférence serait son succès, son échec l’atteindra personnellement. Tantôt on dirait qu’il lutte en désespéré, comme un grand oiseau blessé qui bat de l’aile, tantôt il reprend son essor vainqueur ; mais les conséquences des erreurs politiques qu’il a accumulées depuis l’armistice l’assiègent ; ses variations trahissent ses anxiétés. De ses insuccès il cherche à rendre responsable la France qui a souffert plus qu’une autre des bourrasques de son caractère, et qui cependant est prête aujourd’hui comme toujours à lui prêter un loyal concours, pourvu que ses intérêts vitaux ne soient pas sacrifiés. Il y aurait moins de désordre en Europe, moins de chômage en Angleterre, moins de déception en Allemagne, si M. Lloyd George avait, dès 1918, travaillé à une adaptation réciproque, qui n’eût pas été difficile, des intérêts de son pays et des nôtres, et fortement resserré les liens d’amitié et d’alliance établis pendant la guerre. M. Lloyd George s’obstine à chercher, un peu fiévreusement, le succès dont il a besoin, tantôt dans un accord avec les Bolchévistes qui semble au dernier moment lui échapper, tantôt dans un pacte européen de non-agression qui est encore en suspens. Nous sommes certains, puisqu’il l’affirme, que M. Lloyd George n’est pas mêlé aux négociations sur les pétroles, mais n’est-il pas entouré d’hommes d’affaires qui en savent, sur ce sujet, plus long que lui ? « Dis-moi qui tu hantes... » Si le proverbe, pour une fois, est en défaut, il n’en reste pas moins prouvé par les faits que la question du pétrole est un des ressorts de la politique anglaise. Les hommes d’affaires, les manieurs d’argent, n’ont pas, dans la restauration de l’Europe, les mêmes intérêts que les peuples, que les producteurs ; ils veulent des bénéfices immédiats, hors de proportion avec leur travail et leur risques. Ne comptons pas sur eux pour reconstruire l’Europe.

La question russe, à Gênes, est mal posée. Toute l’économie nationale de la Russie est fondée sur l’agriculture ; la grande industrie y était de création récente, et, presque partout, l’œuvre du capital et des techniciens étrangers, particulièrement français et belges ; la main-d’œuvre seule était russe ; le moujik déraciné, arraché à son champ et à son mir, mais resté sans instruction, est devenu la proie facile du bolchévisme communiste. Que le Gouvernement des Soviets donne à des étrangers des concessions pour l’exploitation