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Page:Revue des Deux Mondes - 1922 - tome 9.djvu/476

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des mines et la création de nouvelles usines, si cette remise en marche de la grande industrie n’est pas précédée et accompagnée d’un renouveau de production agricole, non seulement la Russie ne retrouvera pas sa prospérité follement gaspillée, mais elle achèvera de se ruiner. A peine ses frontières seront-elles ouvertes et ses marchés libres, que les étrangers. Anglais, Allemands, Américains, se hâteront d’acheter et d’exporter tout ce qui peut rester dans le pays de métaux, de pierres précieuses, de matières premières : ainsi s’évanouira la dernière richesse de la Russie ; les usines n’auront retrouvé une activité précaire que pour arriver à une ruine définitive, faute de débouchés et d’acheteurs. La Russie consommait elle-même la plus grande partie de sa production en céréales, sucre, pétrole, charbon, produits métallurgiques, etc. ; il n’y a de prospérité industrielle possible dans un tel pays que si elle est le couronnement d’une reprise de l’agriculture qui rende la vie au marché intérieur. Commencer par remettre en marche l’industrie, c’est poser la pyramide sur sa pointe. A ce renouveau, les étrangers peuvent participer, reprendre, par exemple, les grandes cultures sucrières, aider à la réorganisation des transports, vendre des machines agricoles ; mais le rôle capital appartient au Gouvernement russe qui seul peut rassurer les paysans, consolider la propriété, supprimer les réquisitions et les inquisitions de toute nature, bref donner à la Russie une administration régulière et civilisée.

Les commissaires du peuple le voudront-ils ? Non. Ils seraient bien aises que, par magie, tout allât pour le mieux dans une Russie prospère ; mais, en retour de cette prospérité ils ne sacrifieront rien de leurs principes et de leurs méthodes. Ce qu’ils veulent, ce n’est pas le salut de la Russie, de la Russie tout court, de la Russie pour elle-même, c’est leur propre maintien au pouvoir pour le succès de la révolution mondiale. Le 1er mai, à Moscou, sur la place Rouge, à une grande parade de ses troupes, — car, à Moscou, la fête ouvrière est avant tout militaire, — Trotsky a invité l’armée rouge à prêter « serment de fidélité à la classe ouvrière du monde entier, » et a montré dans l’armée des Soviets l’instrument de la révolution universelle. Qu’il y ait, parmi les Bolchévistes, notamment ceux de Gènes, des hommes plus enclins aux concessions, cela est probable, mais soyons sûrs qu’ils ont été, par de fréquents et vigoureux télégrammes de Moscou, rappelés au sentiment des réalités. Eux non plus ne sont pas sur un lit de roses, même parmi les fleurs de Rapallo. S’ils ne rapportent pas l’argent qu’ils sont venus